Cela s’est passe un jour/ Aventures, drames et passions celebres
Hommes et femmes au destin prodigieux (49e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 48e partie : Après avoir travaillé comme bonne à tout faire, Marie Duplessis, la future Dame aux camélias, va se rendre à Paris, pour tenter sa chance. Son père, l’accompagne.
Le voyage se fait à pied. Inutile de dire qu’il est long et fastidieux. La jeune fille a les pieds enflés et on doit s’arrêter à tous les villages et les villes que l’on traverse. Parfois, une caravane de bohémiens les prend et ils peuvent ainsi faire un bout de chemin en roulotte. Plus tard, Alphonsine, devenue Marie Duplessis, La Dame aux camélias, se rappellera, avec émotion, les moments qu’elle a passés avec les gens du voyage. Elle gardera même en mémoire quelques-uns des airs qu’ils lui ont appris, ainsi que l’art de tirer les cartes.
On arrive enfin à Paris. Alphonsine regarde avec ravissement les grands bâtiments, les places et les rues, les échoppes et les magasins. Et tous ces gens qui vont et qui viennent, ces hommes, ces femmes et ces enfants qui semblent si pressés… Elle n’en a jamais vu autant de sa vie ! Même sur la place publique de Nohant, un jour de marché.
— ça te plaît, hein ? marmonne Marin qui s’amuse de sa surprise.
— Oh, oui, dit-elle. C’est là qu’habite la cousine ?
— Non, il faut aller quelques rues plus loin. Tu es fatiguée ?
— Je peux marcher !
On arrive à la rue des Halles où la cousine tient un commerce de primeurs. Marin, après s’être enquis de sa santé et de celle de sa famille, lui présente Alphonsine.
— c’est ça ta fille ? dit-elle.
Elle a appuyé sur le ça, comme si elle parlait d’un animal ou d’un objet qu’on lui a beaucoup vanté, mais qui la déçoit.
— elle paraît maigre mais elle est très solide, dit Marin.
— Je ne sais si elle pourra soulever les cageots !
Des cageots, il y en a des centaines, pleins de fruits et de légumes et d’autres produits. Alphonsine n’en a jamais vu autant, non plus.
— Elle est forte, insiste Marin,
— Je t’avoue que je ne peux pas la prendre…
Marin baisse les bras.
— Alors, nous avons fait tout ce chemin pour rien !
— Je n’ai pas dit que ta fille ne sera pas retenue… Madame Barjet, la blanchisseuse, a besoin d’apprenties… Qu’est-ce que tu en dis ?
— Elle sera bien traitée ?
— Comme les autres apprenties, dit la cousine, elle sera logée et nourrie, elle apprendra un métier et elle aura un peu d’argent…
— Alors, c’est d’accord, je la laisse !
Alphonsine ne dit rien. De toute façon, personne ne lui demande son avis. Elle se tient debout, toute droite, sa chevelure opulente flottant derrière son dos, ses grands yeux baissés.
Marin la regarde, puis lui dit.
— Tu seras blanchisseuse, dit-il.
Et comme elle ne répond pas, il ajoute.
— Tu seras bien traitée, je te laisse !
Il prend congé de la cousine et s’en va, sans rien dire à sa fille, sans même l’embrasser. Alphonsine ne le reverra plus ! (A suivre…)
K.N
21 juin 2011
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