Suspense
La mystérieuse affaire de Styles (8e partie)
Résumé de la 7e partie : Evie, qui s’est disputée avec son mari Alfred Inglethorp, décide de partir…
Je lui ai dit tout net : Emily, vous êtes une vieille femme. Et il n’y a pas pire imbécile qu’un vieil imbécile. Cet homme a vingt ans de moins que vous. Ne cherchez pas pourquoi il vous a épousée. Pour votre argent ! Eh bien, ne lui en donnez pas trop ! Le fermier Raikes a une bien jolie femme. Demandez donc un peu à votre Alfred combien, de temps il passe chez eux !»
Elle a été furieuse. C’est bien naturel. Je repris : «Je tiens à vous avertir, que cela vous plaise ou non. Cet homme aimerait autant vous assassiner dans votre lit que de vous y regarder. C’est un vaurien. Vous pouvez me dire ce que vous voudrez.
Mais n’oubliez pas que je vous ai prévenue. C’est un vaurien.
— Et qu’a-t-elle répondu ?
Miss Howard fit une grimace extrêmement expressive.
— «Ce cher Alfred… et cet Alfred adoré… horribles calomnies… mensonges abominables… quelle mauvaise femme d’accuser ainsi son cher mari…» Plus tôt je quitterais la maison, mieux cela vaudrait. Alors, je pars.
— Mais, pas tout de suite ?
— A l’instant même.
Pendant un moment, nous demeurâmes figés à la regarder. Enfin, voyant que ses arguments ne servaient de rien, John Cavendish s’en fut consulter l’indicateur des chemins de fer. Sa femme le suivit en murmurant qu’elle allait essayer de faire revenir Mrs Inglethorp sur sa décision. Lorsqu’elle quitta la chambre, l’expression de Miss Howard changea tout à coup. Elle se pencha vivement vers moi.
— Monsieur Hastings, vous êtes honnête. Puis-je me fier à vous ?
J’étais un peu interloqué. Elle posa la main sur mon bras et sa voix ne fut plus qu’un murmure.
— Surveillez-la, monsieur Hastings. Ma pauvre Emily ! Ce sont tous des requins. Oh ! je sais ce que je dis ! Il n’y en a pas un d’entre eux qui ne soit pauvre et n’essaie de lui soutirer de l’argent. Je l’ai protégée autant que j’ai pu. Mais maintenant que je ne serai plus là, ils vont l’exploiter.
— Bien entendu, mademoiselle Howard, dis-je, vous pouvez compter sur moi pour faire mon possible. Mais je crois que vous êtes un peu fatiguée et que vous exagérez les choses.
Elle m’interrompit en agitant lentement son index.
Fiez-vous à moi, jeune homme. J’ai vécu dans ce monde un peu plus longtemps que vous. Ce que je vous demande, c’est d’avoir l’œil ouvert. Vous comprendrez ce que je veux dire.
Le ronron d’un moteur monta par la fenêtre ouverte. Miss Howard se leva et se dirigea vers la porte. La voix de John résonna dehors ; la main sur la poignée de la porte, elle se tourna vers moi et me fit signe.
— Et surtout, monsieur Hastings, surveillez ce démon, son mari.
Elle n’eut pas le temps d’en dire davantage. (A suivre…)
D’après Agatha Christie
21 juin 2011
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