Suspense
La mystérieuse affaire de styles (2e partie)
Résumé de la 1re partie : John s’est marié et emmène sa femme vivre chez sa mère à la campagne…
Mais Mrs Cavendish aimait faire ses plans elle-même, et entendait que les autres les acceptassent.
Dans ce cas, elle avait certainement l’avantage sur lui, puisqu’elle tenait les cordons de la bourse.
John remarqua l’étonnement que me causa, la nouvelle du remariage de sa mère, et il sourit avec un peu d’amertume.
— C’est un bien triste sire, dit-il farouchement. Je ne vous cache pas, Hastings, que cela nous rend la vie joliment difficile. Quant à Evie… Vous vous souvenez d’Evie ?
— Non.
— Oh ! sans doute, ne l’avez-vous pas connue. C’est la dame de compagnie de mère. Elle s’occupe de tout…
Une brave femme, cette bonne Evie… Pas précisément jeune ni belle, mais un brave cœur.
— Vous alliez me dire ?
— A propos de cet individu, il est tombé du ciel, se donnant comme un cousin ou un vague parent d’Evie, qui, entre nous, n’avait pas l’air enthousiaste de cette parenté. N’importe qui peut voir que c’est un vulgaire arriviste. Il a une longue barbe noire et porte des bottines vernies par tous les temps ! Mais il a tout de suite plu à mère qui l’a engagé comme secrétaire. Vous savez qu’elle dirige toujours une foule d’œuvres diverses ?
J’acquiesçai d’un signe de tête.
— Eh bien, la guerre les a multipliées. Sans doute, cet individu lui a été fort utile. Mais vous auriez pu nous renverser tous avec une plume quand, il y a trois mois de cela, elle nous a tout à coup annoncé qu’elle était fiancée à Alfred ! Il doit avoir vingt ans de moins qu’elle. Il s’agit, pour lui, clairement d’une chasse à la fortune. Mais voilà, mère était parfaitement libre d’agir à sa guise, et elle l’a épousé.
— Ce doit être une situation bien difficile pour vous tous.
— Difficile ! Dites intenable !
C’est ainsi que, trois jours plus tard, je descendis du train à Styles Saint-Mary, petite gare absurde sans raison d’existence apparente perchée au milieu de champs verts et de routes campagnardes. John Cavendish m’attendait sur le quai et me mena vers l’auto.
— Vous voyez, nous avons encore un peu d’essence, remarqua-t-il, grâce surtout aux œuvres, de mère.
Le village de Styles Saint-Mary était situé à environ deux milles de la petite station, et Styles Court se trouvait à un mille au-delà. Il fallait une chaude et tranquille journée de juillet. Et en regardant le plat paysage d’Essex qui s’étendait si verdoyant et si paisible sous le soleil d’après-midi, il était presque impossible de croire que là-bas, et pas bien loin, après tout, une grande guerre suivait son cours. Il me semblait avoir tout à coup pénétré dans un autre monde. Lorsque nous franchîmes la grille du parc, John dit :
— Je crains que vous ne trouviez la vie bien calme ici, Hastings.
— Mon cher ami, c’est précisément ce que je désire.
— Oh ! c’est assez agréable si on veut mener une existence oisive. (A suivre…)
D’après Agatha Christie
21 juin 2011
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