Au coin de la cheminée
Le chêne de l’ogre (1re partie)
L’on raconte qu’aux temps anciens il était un pauvre vieux qui s’entêtait à vivre et à attendre la mort tout seul dans sa masure. Il habitait en dehors du village. Et jamais il n’entrait ni ne sortait, car il était paralysé. On lui avait traîné son lit près de la porte dont il tirait la targette à l’aide d’un fil. Or ce vieux avait une petite fille, à peine au sortir de l’enfance, qui lui apportait tous les jours son déjeuner et son dîner. Aïcha venait de l’autre bout du village, envoyée par ses parents qui ne pouvaient eux-mêmes prendre soin du vieillard.
La fillette, portant une galette et un plat de couscous, chantonnait à peine arrivée :
— Ouvre-moi la porte, ô mon père Inoubba, ô mon père Inoubba ! Et le grand-père répondait :
— Fais sonner tes petits bracelets, ô Aïcha ma fille !
La fillette heurtait l’un contre l’autre ses bracelets et il tirait la targette. Aïcha entrait, balayait la masure. Puis elle servait au vieillard son repas, lui versait à boire. Après s’être longuement attardée près de lui, elle s’en retournait, le laissant calme et sur le point de s’endormir. La petite fille racontait chaque jour à ses parents comment elle avait veillé sur son grand-père et ce qu’elle lui avait dit pour le distraire. L’aïeul aimait beaucoup à la voir venir.
Mais un jour, l’ogre aperçut l’enfant. Il la suivit en cachette jusqu’à la masure et l’entendit chantonner :
— Ouvre-moi la porte, ô mon père Inoubba, ô mon père Inoubba !
Il entendit le vieillard répondre :
— Fais sonner tes petits bracelets, ô Aïcha ma fille !
L’ogre se dit : «J’ai compris. Demain je reviendrai, je répéterai les mots de la petite fille, il m’ouvrira et je le mangerai !»
Le lendemain, peu avant que n’arrive la fillette, L’ogre se présenta devant la masure et dit de sa grosse voix :
— Ouvre-moi la porte, ô mon père Inoubba, ô mon père Inoubba !
— Sauve-toi, maudit ! lui répondit le vieux. Je t’ai reconnu…
L’ogre revint à plusieurs reprises mais le vieillard, chaque fois, devinait qui il était. L’ogre s’en alla finalement trouver le sorcier.
Voici, lui dit-il, il y a un vieil impotent qui habite hors du village. Il ne veut pas m’ouvrir parce que ma grosse voix me trahit. Indique-moi le moyen d’avoir une voix aussi fine, aussi claire que celle de sa petite-fille.
Le sorcier répondit :
Va, enduis-toi la gorge de miel et allonge-toi par terre au soleil, la bouche grande ouverte. Des fourmis y entreront et racleront ta gorge. Mais ce n’est pas en un jour que ta voix s’éclaircira et s’affinera ! (A suivre ….)
Contes merveilleux
21 juin 2011
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