Histoires vraies
L’exorcisme
Résumé de la 1re partie :Le Dr Martin Keller est pétrifié en découvrant la malade, Anneliese, qu’on lui amène dans son cabinet…
Est-ce un être humain ? Oui. Est-ce une femme ? Seule la chevelure sombre et soyeuse roulant sur l’oreiller, fournit la réponse : oui, c’est une femme. Pour le reste, le squelette est sec et cassant. S’agit-il d’une adulte, d’une adolescente ou d’une enfant ?
«Mais elle est morte ! s’exclame le docteur Keller. Elle est morte de faim ! Comment est-ce possible ?
— Elle n’a rien mangé de puis le vendredi saint, répond Joseph Michel.
— Qui est-ce ?
— C’est notre fille.»
Le médecin, atterré, reste quelques instants silencieux, avec l’impression de vivre un cauchemar. Il a lu ou entendu raconter des histoires étranges, mais il pensait qu’il s’agissait de romans et que cela ne lui arriverait jamais. Et puis voilà : il entre dans une villa, belle et confortable, appelé par des gens riches, des notables connus dans toute la région, jusqu’à Francfort. Et il trouve ça ! Vu l’âge des parents, la morte ne peut en aucun cas être une enfant.
«Quel âge avait-elle ?
— Vingt-trois ans.
— Comment en est-elle arrivée là ?
— Elle était possédée du démon, explique Joseph Michel.
— Qu’est-ce que vous me racontez ?
— Puisqu’on vous le dit, ajouta Anna Michel, le visage noyé de larmes. Le Diable était en elle. La mort l’a délivrée et maintenant elle est au ciel.
— Bon, bon. Moi, je veux bien. Mais vous comprendrez que, dans de telles conditions, je ne puisse pas délivrer de certificat de décès !
— Alors partez, nous demanderons un autre médecin.»
Et Joseph Michel pousse vers la porte le docteur Martin Keller qui, toujours aussi ahuri, a haussé les épaules :
«Vous vous faites des illusions. Vous avez beau être des gens connus et fortunés, vous ne trouverez pas un médecin pour signer de certificat de décès. D’ailleurs, il est de mon devoir de signaler le cas à la police. Et l’on va certainement ouvrir une enquête.»
Anna et Joseph Michel ne répondent rien et le médecin se retrouve à l’air libre sous le soleil de juillet.
A peine vingt minutes plus tard, une équipe de policiers sous la direction d’un jeune commissaire à lunettes et à moustache blonde, flanqué d’un juge d’instruction à lunettes mais à moustache noire, fait irruption dans la villa. Anna et Joseph Michel les conduisent en pleurant vers la chambre où gît le cadavre recouvert d’une couverture.
Le commissaire à lunettes et à moustache blonde soulève la couverture et fait :
«Ah!»
Le juge d’instruction à lunettes et à moustache noire fait :
«Oh!»
La tête sur l’oreiller ressemble à un crâne momifié et la peau à du parchemin. Les yeux sont tellement enfoncés dans les orbites qu’on ne voit plus très bien s’ils sont ouverts ou fermés. Seule la chevelure sombre et soyeuse, comme l’avait remarqué le médecin, indique que cet être humain était une jeune fille.
Le commissaire et le juge d’instruction tournent l’un vers l’autre leurs lunettes et leur moustache : ils ont déjà vu des cadavres mais osent à peine toucher celui-là.
Le médecin légiste, bien qu’avec une certaine répugnance, vient à leur secours, manipulant délicatement le petit corps comme s’il s’agissait d’une ombre prête à s’évanouir.
A suivre
Pierre Bellemare
20 juin 2011
Histoire