Suspense
La mystérieuse affaire de Styles
Résumé de la 21e partie : Accompagné de Hastings, Poirot se rend au château pour étudier l’affaire sur les lieux…
Nous remontâmes le village et pénétrâmes dans le parc devant la loge du gardien. Poirot s’arrêta un instant et contempla douloureusement la belle étendue de parc qui scintillait encore sous la rosée matinale.
— Tout cela est si beau, et pourtant la malheureuse famille doit être plongée dans le chagrin.
Tout en parlant, il me jeta un regard scrutateur, et je me rendis compte que je rougissais sous son regard aigu.
La famille était-elle vraiment prostrée par le chagrin ?
La douleur provoquée par la mort de Mrs Inglethorp était-elle vraiment si
vive ? Je me rendis compte que l’atmosphère de Styles ne semblait guère chargée d’émotion. La morte n’ayant pas eu le don de se faire aimer. Sa mort était un malheur et un grand choc, mais personne ne la regrettait bien vivement.
Poirot parut suivre mes pensées. Il hocha gravement la tête et dit :
— Ce n’est cependant pas comme s’ils avaient été unis par les liens du sang. Elle a été bonne et généreuse envers ces Cavendish, mais ce n’était pas leur propre mère. Le sang compte, rappelez-vous ça, le sang compte !
— Poirot, ne me direz-vous pas pourquoi vous vouliez savoir si Mrs Inglethorp avait beaucoup mangé, hier soir ? J’ai beau retourner cette question dans mon esprit, elle ne me paraît avoir aucun rapport avec l’affaire.
Il demeura silencieux quelques instants, tandis que nous marchions, mais il me répondit enfin.
— Je veux bien vous le dire, bien que je n’aie pas l’habitude, comme vous le savez, de donner la moindre explication avant d’avoir atteint mon but. L’hypothèse actuelle est que Mrs Inglethorp est morte d’empoisonnement par la strychnine qui fut administrée dans son café.
— Oui…
— Eh bien, à quelle heure le café fut-il servi ?
— Vers huit heures du soir.
— Donc, elle l’a bu entre huit heures et huit heures et demie. Certainement pas beaucoup plus tard. Or la strychnine est un poison assez rapide. Ses effets se seraient vite ressentis, sans doute une heure plus tard. Pourtant, dans le cas de Mrs Inglethorp, les symptômes ne se sont manifestés que le lendemain à cinq heures, c’est-à-dire neuf heures plus tard. Or, un repas copieux absorbé en même temps que le poison pourrait en retarder les effets, mais guère autant que cela. Cependant, c’est une possibilité dont il faut tenir compte. Mais, selon vous, elle mangea fort peu, et pourtant les symptômes ne se manifestèrent pas avant le matin suivant. Or, c’est là une circonstance très curieuse, mon ami. Peut-être l’autopsie nous éclairera-t-elle. En attendant, n’oubliez pas ce détail.
Lorsque nous approchâmes de la maison, John en sortit et vint à notre rencontre. Son visage était hagard et las.
Voici une bien terrible affaire, monsieur Poirot, dit-il. Hastings vous a sans doute expliqué que nous ne désirons pas qu’on l’ébruite.
— Je vous comprends parfaitement.
— Voyez-vous, jusqu’ici, il ne s’agit que d’un soupçon. Nous n’avons pas de données précises.
A suivre
D’après Agatha Christie
20 juin 2011
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