Revision collaboratif: c’est ce qu’a choisi la société civile islandaise pour revoir sa Constitution. «Depuis avril, vingt-cinq conseillers issus de la société civile – avocat, journaliste, professeur d’économie, physicien, directeur de théâtre, pasteur, étudiant – sont chargés de superviser l’écriture de la
nouvelle Constitution islandaise», selon les journaux. «Les projets d’article sont publiés sur le site du gouvernement afin d’être commentés, critiqués, amendés par les internautes via les réseaux sociaux. Tous peuvent ainsi visualiser l’actuelle Constitution ou consulter le dernier brouillon et directement réagir sur la page Facebook, le compte Twitter ou la chaîne YouTube du »Conseil». Chacune des réunions est par ailleurs retransmise en direct et ouverte au public». Cela vous fait rêver ? Rêvez encore car voici la suite: «Cette nouvelle Constitution sera ensuite soumise à référendum afin de savoir si la majorité des Islandais l’accepte. Et, surtout, le Parlement islandais n’aura pas le droit de lui apporter la moindre modification.». Là, vous aurez compris, jusqu’à la douleur, que vous n’êtes pas islandais, que Bensalah n’est pas un volcan et que vous êtes à l’âge du caillou et que Dieu ne vous a même pas encore créés. En Algérie, la révision de la Constitution est menée par le Président lui-même, avec une commission à lui, sans vous et par des gens si vieux et si malades qu’ils peuvent transformer, par le toucher, un dentifrice en un anti-inflammatoire à force d’en user pour leurs os. Ici, chez vous, pays de vos ancêtres et de vos arrière-petits-enfants, vous n’avez pas le droit de participer à l’écriture de la loi fondamentale de votre pays, ni de donner votre avis, ni de savoir qui le fait. Le pays appartient au Président qui lui appartient à ceux qui l’ont ramené dans un avion. Cela ne vous plaît pas ? Réponse du Pouvoir: «Crevez ou partez». Le cercueil ou la valise comme autrefois.
Pourquoi ce rappel ? Parce qu’il s’agit de bien expliquer la dernière phrase d’Ouyahia lors d’une émission ENTV: les réformes politiques sont un geste du Pouvoir, pas un acte du peuple. Ouyahia a été d’ailleurs clair: ces réformes «constituent la troisième étape du processus de redressement en Algérie et non pas le résultat d’une crise ou de conjonctures internationales». Cette phrase, Belkhadem l’a prononcée avant lui et d’autres l’ont affirmée depuis quelques mois, y compris Bouteflika dans son fameux discours 3e âge. A comprendre que «on ne réforme pas parce que vous le demandez, mais parce que nous le désirons». On ne revoit pas le système parce que vous marchez dans la rue, parce que vous protestez ou parce que vous vous battez pour un pays meilleur, mais parce que c’est dans notre programme, avant vous, sans vous, et après vous. Dans presque tous les discours post-Benali, les actionnaires de la RAPD et leurs serviteurs prennent un soin particulier à nier à ce peuple son poids et sa taille et son visage et lui répondent qu’il n’existe pas et que ce n’est pas lui qui décide ou impose. C’est un leitmotiv très bien pensé pour que les Algériens ne cèdent pas à la «vanité» et ne concluent pas à leur force mais seulement à la magnanimité d’un Pouvoir qui continue de faire ce qu’il entend, selon son rythme et son agenda. Le but est de bien expliquer que le Pouvoir n’a pas de devoirs sauf ce qu’il entend comme étant un désir propre de sa personne. Le but est de nier aux Algériens la capacité de décider par eux-mêmes et de les ramener à leur statut d’indigènes que la chute de Benali ou le printemps arabe ont, un moment, suspendu. Le but est de bien expliquer qui est le maître et qui est le serf. Le but est de répondre à ceux qui disent que l’Algérie est aux Algériens et qui demandent qu’on les respecte. Le but est de bien rappeler que ce n’est pas vous qui décidez, votez ou imposez mais que c’est Eux. Le but est de vous rappeler que vous ne serez jamais des Islandais.
18 juin 2011
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