Le Carrefour D’algérie
Samedi 18 Juin 2011
Soug ennsa
Par Yasmine Benbekhti
Des femmes seules
Il ne s’agit pas de ces femmes qui ont eu le privilège de choisir entre leur destin et la liberté, mais de celles qui ont dû accepter leur destin, parce que trop tard pour faire marche arrière, parce qu’elles sont devenues le seul pilier sur lequel repose tout un foyer, parce que d’autres comptaient sur elles, leurs enfants, qui n’ont pas eu non plus le privilège de choisir.
On parle de ces divorcées, veuves ou tout simplement abandonnées, qui du jour au lendemain, ont vu toute leur vie s’effriter, et qui voient leurs vies d’avant, quand elles étaient encore des jeunes filles insouciantes et confiantes en la vie, à coups de flashs abrutissant, comme une comédie romantique qu’on regarde au cinéma. D’où puisent-elles ce courage qui leur permet de meubler un quotidien, alors qu’elles ne se nourrissent que de remords et de regrets?
A quoi rêvent-elles quand les enfants vont se coucher? Pour elles, tous les jours est un combat, contre le dégoût de vivre, contre la société mais surtout et toujours pour leurs enfants. Chaque victoire pour eux a coûté un sacrifice d’elles. Chaque larme ravalée a offert un sourire, pour que leurs jours ne soient pas aussi sombres que les siens.
Et que dire quand on décide un jour, à deux, de donner la vie à des enfants, puis de se rendre compte un beau matin qu’on a changé d’avis, que le bonheur de les avoir ne justifie pas le sacrifice de les assumer? De décider de s’en aller conquérir ailleurs le bonheur qu’on croit nous être dû, parce que la vie nous est comptée, parce qu’elles n’avaient qu’à faire mieux, ces femmes! Qu’elles se débrouillent maintenant, «j’ai droit à une autre vie», c’est avec cette phrase qu’ils se donnent le tir de départ, et partent quand même. Laissant derrière eux une femme abandonnée, vide et lasse, qui devra malgré tout trouver les ressources qu’il faut et les doubler pour pouvoir maintenir l’équilibre dans lequel s’est fondé et modelé son foyer, quelques années auparavant. Elles ne partiront pas, les femmes n’abandonnent pas, elles acceptent leur sort comme elles ont accepté la vie, qu’elles portent en elles comme elles portent cette mort qui les tue chaque nuit et les ressuscite tous les matins, quand elles entendent l’appel de leurs petits, parce que leurs instincts sont plus forts que leurs envies. Parce que c’est la faute à Pas-de-chance et qu’ils n’y sont pour rien.
C’est à ces femmes seules, abandonnées des cœurs et oubliées des mémoires, malgré leur courage invincible et leur foi indestructible, que ces mots sont écrits, pour qu’elles se sentent moins seules, car elles sont nombreuses dans ce combat. Comme ces rescapés de soldats désarmés, qu’on envoie au front sachant qu’ils ne reviendront pas, mais qui reviennent quand même, allez savoir qui a veillé sur eux!
18 juin 2011
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