Edition du Lundi 16 Mai 2011
Chronique
Violences faites aux femmes : DSK, Mami et nous
Par : Mustapha Hammouche
Il fallait faire exprès de choisir le jour où la planète entière, hébétée par une tentative de viol présumée d’une employée de ménage par DSK, pour déclarer : “La violence contre les femmes (en Algérie) n’est pas quelque chose de grave, mais il faut la prendre en charge.”
Mais, le ministre de la Santé l’a fait, devant les membres du Réseau Wassila, qui, justement, présentaient un “guide de dépistage des violences faites aux femmes”.
Mais, dans le contexte national, fortement marqué par la traque de la femme dans l’espace public et par sa maltraitance dans l’espace privé, le propos du ministre n’est pas en contradiction avec notre indulgence pour la souffrance des femmes quand elle exprime le primat culturel du genre masculin sur l’espèce féminine.
Aujourd’hui, nous serons nombreux à exprimer notre émoi devant le crime possible de DSK, mais plus nombreux à “fêter” le retour de Mami. Et des chanteurs qui pleurent sur le sort de nos filles l’ont accompagné dans une tournée française qui a souvent fait salle comble de représentants de notre “communauté nationale à l’étranger”, d’habitude exemplaire quand il s’agit de revendiquer ses droits de… l’Homme.
Chez nous, la vitrine législative est achalandée du minimum international d’instruments de défense de la femme et de l’enfant. Mais des tabous protègent toujours les tourmenteurs de femmes et de jeunes filles en milieux scolaire et professionnel et la loi est impuissante : toute démarche expose les victimes à des risques supplémentaires de pression et d’humiliation à chaque étape de leur éventuelle requête et quelle que soit la voie de recours qu’elles auraient choisie.
De plus, la protection sociale, en matière de politique de logement, d’emploi, reste en deçà des besoins de la cause. Cette omission sanctionne en particulier les femmes seules, conformément à une conception sociologique que les pouvoirs publics reprennent machinalement à leur compte : l’unité sociale, c’est la famille, c’est-à-dire un père, une mère et des enfants…
C’est, aujourd’hui, au nom de cette norme de mœurs fixée par les islamistes et que l’État, dans sa disponibilité réconciliatrice, agrée mécaniquement que, dans la rue, des jeunes et moins jeunes hommes couvrent d’insultes et de sobriquets les filles et les femmes qui passent, “polluant” l’espace public qui appartient aux mâles.
La condition de la femme ne cesse de reculer depuis deux décennies ; c’est une concession politique, d’abord, et populaire ensuite, faite par notre société et notre pouvoir à l’islamisme. Avec le secret et vain espoir qu’en contrepartie, les vigiles intégristes, en croissance numérique, cesseront de nous traquer dans les derniers retranchements de liberté dans nos mœurs d’hommes.
Sans le précédent terroriste, avec ses viols et ses enlèvements de femmes, la tragédie d’“El-Haïcha” n’aurait pas pu avoir lieu.
Pas plus que les hommes, les femmes ne sont pas égales dans leur vulnérabilité. Alors, l’État abandonne les plus faibles à la merci des délinquants et à la régence des vigiles, tandis que les puissants reculent de plus en plus pour se barricader dans des espaces dits “sécurisés”.
La violence contre les femmes en Algérie n’est pas un simple phénomène de droit commun ; elle s’explique par un choix politique. Et c’est d’autant plus “grave”.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
17 juin 2011
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