Edition du Dimanche 05 Juin 2011
Culture
Il a chanté les ancêtres, l’identité et la mémoire. Il a peint la femme, le pays et le terroir. Il a écrit, cherché et interrogé l’histoire. Et il continue à le faire.
Salim Souhali ne figure pas dans la liste du patrimoine culturel et pourtant il devrait y être, pourquoi cette fâcheuse et ingrate habitude de n’invoquer nos hommes de culture qu’a titre posthume ? Qu’à cela ne tienne, avec un pinceau, une plume, et un clavier – temps moderne exige –, Souhali rapporte et apporte encore, maillon après maillon, époque après époque, les fragments une histoire millénaire.
Si l’artiste, auteur compositeur, chanteur, caricaturiste, chercheur, musicien (car il est tout cela) cultive des contrastes et facettes, il couve aussi un fort et sincère sentiment d’appartenance. Kabyle de mémoire, Aurassien dans le sang, Algérien jusqu’à l’os ; “des racines sur 2 millions de kilomètres, qui n’ont d’équivalents que les 2 millions d’histoire de l’Algérie”, se plait à dire l’enfant érudit des Aurès, Salim Souhali. Il dit être villageois et l’assumer à vie. “Je viens de ce douar, car ça me donne une appartenance, une origine”, martèle Salim. Son premier contact avec l’école de la vie fut avec la clique des Scouts musulmans algériens à Batna. “Le groupe forge et enseigne”, et le petit Souhali commençait à faire ses premiers pas et à apprendre vite. Il fera également un court passage à l’Institut national de musique à Alger durant les années 1980, sans pour autant terminer ses études. Mais l’artiste jure qu’il avait acquis l’essentiel et que le terrain l’attendait. “J’avais hâte de renter chez moi dans les Aurès, je savais que j’avais fort à faire et que j’avais du pain sur la planche ; le diplôme était une formalité pour moi, même si à plusieurs occasions, ce même diplôme avait constitué un frein pour ma vie professionnelle”, confie-t-il. Il fallait donc donner une voix et même une parole à l’Aurès. Si la tâche semblait ardue, la rage, l’amour et le courage était le triptyque allié du jeune et fou musicien Souhali, qui lançait dans les années 1980 avec des amis, le groupe Tahaziri, a qui l’on doit l’inoxydable tube Akbour U Medghasse (le tombeau de Imedghassen), ou encore la belle berceuse Goug A memi Goug. Il participe comme d’autres groupes et chanteurs, notamment Your, Les Berbères, Markunda, Dihya, à casser le mur du silence imposé à la chanson chaoui (berbérophone). L’appétit vient en mangeant. Souhali prend goût aux défis mais surtout aux victoires, et s’essaye à l’écriture et la caricature. A la fin des années 1980, début 1990, l’aventure de la presse indépendante est une opportunité qui s’offrait à lui. Souhali collabore avec l’hebdomadaire l’Aurès, comme caricaturiste, mais aussi journaliste, et en dépit de la courte vie du journal, beaucoup de jeunes artistes de différents horizons ont pu avoir droit au chapitre, sur les pages d’un journal.
Vingt ans après, ils sont nombreux à reconnaitre que c’est grâce à un texte écrit gratuitement, un morceau joué sans contre-partie, un enregistrement gracieux, qu’ils ont pu percer et se faire un nom. Héros de mon pays (Jugurtha, Kahina, Massinissa, Youba) et Histoire de la musique chaoui (berbère), sont des séries de bandes dessinées destinées à un jeune public et qui n’ont pas échappé aux adultes. Au sujet de cette expérience (écriture et dessin) Salim nous dit : “Si j’ai chanté mon milieu et les héros de mon pays, je me suis dis pourquoi ne pas réaliser quelque chose pour les enfants qui, hélas, connaissent les héros des autres dont bon nombre n’ont jamais existé, mais ignorent la bravoure et le courage de leurs grands-pères et ancêtres : la guerre de Libération ou Jugurtha. En ce moment, je suis sur un texte de Belahrache, un héros qui a vécu en 1808 dans le Jijeli, mais totalement ignoré, seul le manuel scolaire peut combler ce grand vide.” Nominé à trois reprises (2008, 2009 et 2010) pour des musiques de films, pièces de théâtre ou feuilletons télévisés, les consécrations ne sont pas le fruit du hasard et à titre d’exemple Thaslith n’ouanzar (la mariée de l’arc-en-ciel) ou bien Tinhinane, deux œuvres de chorégraphie et de théâtre qui sont considérées comme uniques et exclusives dans l’histoire du théâtre algérien. L’originalité, mais aussi la recherche et l’authenticité de ses œuvres, à donné matière de recherche dans le domaine de l’histoire amazighe. Il faut valoriser et capitaliser le contraste et la diversité qui existe en Algérie, Salim rajoute : “Le pays, notre pays est une mosaïque millénaire. Oui, je suis Aurassien, mais je ne suis pas coincé dans ça, pour la simple raison que je suis un enfant d’un très grand pays, l’Algérie.”
17 juin 2011
Non classé