Edition du Samedi 04 Juin 2011
Culture
Mais qui a encore peur de Messali Hadj ?
La chronique de Abdelhakim Meziani
Il est messaliste. Je suis Novembriste, éternellement reconnaissant au FLN du 1er Novembre 1954 pour avoir su répondre aux aspirations à la Révolution et à l’Indépendance nationale de tout un peuple.
Il est particulièrement nostalgique et fier du génie de celui qui, le premier et dans le cadre de L’Étoile nord-africaine, a revendiqué dès 1927 en Belgique l’indépendance nationale de l’Algérie. Fils de chahid, je ne suis pas loin de penser que la production historique, idéologique et sociologique relative au mouvement national est, à bien des égards, une anthologie de la falsification et de la dissimulation. C’est ce qui explique, dans une large mesure et mon vieil ami messaliste me rejoint en cela, le non-événement provoqué par la sortie sénile d’Ahmed Ben Bella. J’aurais aimé que Mohamed Boudiaf soit encore parmi nous pour vouer aux gémonies ceux-là mêmes qui ont écrit, et continuent de le faire en déformant par intérêt ou par ignorance les faits, en attribuant à des gens des rôles qu’ils n’ont pas joués, idéalisant certaines situations, et passant d’autres sous silence, refaisant l’histoire après coup. Ce qui unit le vieil ami dont il est question ici, Ali Agouni, un messaliste de souche, et votre chroniqueur c’est, à l’évidence, Messali Hadj, le personnage parmi les plus controversés de l’Histoire algérienne. C’est à juste titre que le président Abdelaziz Bouteflika a décidé de le ravir à l’amnésie ambiante pour le rappeler aux bons souvenirs des militants de la cause nationale. Comme il le fit pour Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda et Krim Belkacem. Considéré comme le père du nationalisme révolutionnaire algérien Messali Hadj est mort en exil à Paris, le 3 juin 1974. Réhabilité ou honoré, c’est selon, le vieux lutteur a pris donc, à titre posthume, une des plus éclatantes revanches sur ceux-là mêmes qui ramaient pour le rattachement de notre pays à la France, alors que l’enfant terrible de Tlemcen déclarait le 2 août 1936 au stade municipal d’Alger, que la terre algérienne n’était pas à vendre. Mieux que quiconque, Messali Hadj a été l’un des rares dirigeants nationalistes à avoir élaboré un projet de société en relation étroite avec les luttes des masses et leurs aspirations à l’abolition du code de l’indigénat et à l’indépendance nationale. En faisant voler en éclats un des tabous les plus pesants, le plus injuste surtout, le président Abdelaziz Bouteflika n’a fait que porter un regard nouveau, serein, sur toutes choses et d’abord sur les actes des hommes. Grâce à une volonté politique en adéquation étroite avec les aspirations de nombreux nationalistes révolutionnaires, qui eux n’ont pas trahi le serment de Novembre, la restauration des droits historiques de Messali Hadj a le mérite singulier d’avoir contribué à faire reculer les flots houleux de l’histoire.
Elle contribue d’ores et déjà sensiblement à reconstituer le tissu déchiré de nos mémoires, de nos solidarités, de ce qui fait la texture même de la vie des peuples. Des artisans du 1er novembre 1954 aussi prestigieux que Mohamed Boudiaf ont toujours considéré que c’est pour beaucoup à cet homme hors du commun que nous devons l’étincelle qui mit le feu à toute la plaine. Ali Agouni est pour la légalisation du PPA, parti actuellement clandestin s’il en est, alors que pour moi le PPA existe déjà à travers son héritier exclusif, le FLN du 1er Novembre 1954. Mais tous les deux sommes d’accord pour interpeller Ahmed Ben Bella sur sa volte-face, ainsi que celle d’Ahmed Khider, à la suite de tractations avec Gamal Abdel Nasser dont la convoitise politique sur le Maghreb, et l’Algérie principalement, n’était un secret pour personne. Le chantre de l’arabisme avait conscience alors que son projet ne pouvait se réaliser avec Messali Hadj à la tête d’une révolution armée qui devait intervenir le 1er janvier 1955 comme arrêté par le Congrès extraordinaire d’Hornu. De l’avis d’Ali Agouni, et à ce niveau de l’analyse, je suis en plein désaccord avec les raccourcis empruntés, c’est pour ces raisons que Mohamed Boudiaf aurait fait en sorte que la Révolution algérienne éclate le 1er Novembre 1954… Alors que ni Ben Bella ni Khider, encore moins les Égyptiens, n’étaient au courant…Ils ne le furent qu’après que Mohamed Boudiaf eut rejoint Le Caire, porteur de la Proclamation de la Révolution nationale qui sera lue sur les ondes de Sawt-El-Arab dans la nuit du 31 octobre au 1er Novembre 1954 par…Ahmed Ben Bella…
A. M.
mezianide@djaweb.dz
17 juin 2011
Contributions