Edition du Lundi 08 Février 2010
Culture
Lorsque des enfants se projettent sur les noms des joueurs
Reflet culturel
Par : ABDENNOUR ABDESSELAM
En traversant la cour d’une cité d’habitation, j’ai été attiré par une attraction de jeunes enfants jouant à une petite partie de foot.
Ils se sont donné les noms des joueurs de la brillante équipe nationale très injustement vaincue par un arbitre clairement soudoyé, ce que la presse nationale et internationale ont bien relevé. Mais mon attention était plutôt portée sur cette initiative candide que le sens prolonge à la pureté s’en allant vers ce “ruisseau de lait”, dixit Victor Hugo, pour glorifier, à leur façon, leurs héros sportifs. Ils veulent tous leur ressembler, nominativement d’abord. Je m’arrête un instant et je demande qui d’entre eux était Meghni ? D’une seule et même voix, ils portaient tous ce nom. J’enchaîne en leur demandant qui était, tour à tour, Matmour, Yebda, Ziani ? Avec la même et unique voix exaltante portée par un regard profond, ils les étaient tous aussi. Chaque enfant désirait porter tous les noms de l’équipe logée en plein cœur. N’était-ce leur jeune âme j’aurai peut-être seulement souri ; mais leur jouvence tenait à une symbolique exceptionnelle et très révélatrice. Il ne s’agit point ici d’une simple troncation. Au-delà de l’enthousiasme naturel et légitime procuré par la belle épopée de leur équipe, il y a une lecture à faire sur la quête d’un modèle de réussite pour leur avenir. Leur rêve, me diront-ils, est de devenir une star du foot à leur tour. Mais pourquoi ne pas se projeter sur d’autres modèles, d’autres références, devenir, par exemple, médecin ou encore ingénieur ? Le plus jeune d’entre eux, sans doute le plus entreprenant, me répondit qu’il ne souhaitait pour rien au monde devenir un chômeur après la scolarité. S’il est vrai que de nos jours, la magie des pieds est aussi un axe de projection sur l’avenir, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agissait pas là d’une réponse simple et anodine. Il s’agit plutôt d’une réaction et d’un réflexe assez conscients et éveillés sur la qualité peu sûre et désolante d’un enseignement sclérosant et stérile dispensé par une école qui a cessé d’être un lieu de fécondité du savoir. Heureusement que l’environnement populaire propose des solutions de recours. Une telle révélation, combien lourde de sens et pour une tête aussi candide qu’innocente, méritait bien une chronique.
A. A.
(kocilnour@yahoo.fr)
17 juin 2011
Contributions