Edition du Mercredi 15 Juin 2011
Editorial
Le bon sens d’une démagogie
Par : Saïd Chekri
Sans préjuger des résultats d’un conclave qui ne fait que commencer, on ne peut en espérer gros, tant la démagogie semble de mise. Pas seulement chez Babès qui jure que l’événement est digne du “Printemps arabe” qui sonne le glas des dictatures de la région, mais aussi chez ce président du Forum de Crans-Montana.
La société civile ! Que de fois en a-t-on entendu parler, sans jamais savoir exactement de quoi elle est faite. La rencontre, qui se tient au Club-des-Pins sous l’égide du Conseil national économique et social, et dont on sait qu’elle est inspirée par El-Mouradia, a déjà le mérite de décliner la composante de cette Arlésienne, du moins telle que la perçoit le pouvoir.
Il est vrai que la participation de syndicats autonomes, souvent en rupture de ban avec le gouvernement, tout comme la présence d’observateurs étrangers et de certains acteurs dont l’autonomie est avérée, peut conférer à ces assises un soupçon de crédibilité, peut-être même un peu de sérieux, mais cela n’enlève rien au bien-fondé de ce sentiment de scepticisme qui prédomine chez la majorité des Algériens, voire même chez ceux qui participent à ces états généraux. “Ne sommes-nous pas invités juste pour la galerie, pour légitimer l’action et ce qui en sortira ?” s’inquiètent déjà certains d’entre eux, ceux dont le parcours, fait de luttes continues, ne souffre jusqu’ici d’aucune compromission.
Sans préjuger des résultats d’un conclave qui ne fait que commencer, on ne peut en espérer gros, tant la démagogie semble de mise. Pas seulement chez Babès qui jure que l’événement est digne du “Printemps arabe” qui sonne le glas des dictatures de la région, mais aussi chez ce président du Forum de Crans-Montana, venu tout droit des montagnes suisses pour nous (ré)administrer cette bonne vieille leçon : pour les pays du Sud, la démocratie ne s’importe pas. Et puisqu’en l’absence de démocratie, nous importons tout le reste, pourquoi le Nord en perdrait-il le sommeil ? L’affirmation de M. Carteron est peut-être utile pour qui veut laisser entendre qu’il ne nous impose rien, histoire de se laver par avance de toute accusation d’ingérence, mais certainement inopportune puisque, jusqu’ici, c’est plutôt le totalitarisme soviétique, puis celui des mollahs et, enfin, celui de Mugabe que nous avons importés et imposés à la société sans la consulter autrement que par le biais de scrutins frauduleux.
Mais ne jurons de rien : en croyant faire de la démagogie, M. Babès a peut-être dit un fait dont il ne soupçonne pas un seul instant la véracité : que le pouvoir en soit à convier au Palais des nations des organisations dont les membres se font bastonner par la police sur les places d’Alger est incontestablement un signe que la société se libère des griffes d’un régime oppresseur. Si cette rencontre n’a été conçue que comme défouloir, c’est raté : elle ne sauvera pas le régime, condamné désormais autant par l’histoire que par la géographie.
17 juin 2011
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