Edition du Dimanche 29 Mai 2011
Culture
Flora Bouberghout
PORTRAIT…
Par : Hamid grine
Quand on voit ce qu’elle fait contre les forces de l’inertie, bataillant nuit et jour pour faire bouger les lignes, on se dit qu’il ne faut pas désespérer des Algériens. Elle ? Flora Bouberghout, présidente d’El Baraka,
Association nationale d’aide aux personnes handicapées. C’est une boule d’énergie, une boule d’amour pour les handicapés que cette femme qui a été victime avec son mari et son fils d’un grave accident de la circulation. L’accident fut si grave que son diagnostic vital a été engagé. On la donne pour morte. La voilà qui se relève à force de courage, à force d’endurance, à force de patience, à force de volonté. Et elle a une volonté à soulever l’Algérie. Alors son corps pfft…un jeu d’enfant. Au prix de mille souffrances et de mille épreuves, la voilà debout. Ce qu’elle remarque en premier, c’est le regard des autres. On la regardait comme femme et comme être humain. On ne la voit plus. Elle est devenue transparente, inexistante. Un fantôme, et même moins qu’un fantôme : une handicapée exclue du champ de vision de beaucoup d’Algériens. Elle décida de se battre contre l’indifférence générale qui confine les handicapés dans une sorte de camp des lépreux. Elle créa avec son époux l’association au nom si algérien et si évocateur : El Baraka. Elle était orgueilleuse et fière, n’ayant jamais rien demandé pour elle. Elle mit de côté son amour-propre, sa vie d’avant, prit son bâton de pèlerin et commença à prêcher la bonne parole pour les nombreux handicapés que son association a accueillis, auprès des personnalités qui comptent. Rarement, elle est reçue avec chaleur, parfois on l’entend sans l’écouter, souvent c’est une fin de non-recevoir. Un ministre de la République lui a promis tant de choses mirobolantes qu’elle a failli marcher sur ses deux pieds. Crédule, comme toutes les personnes positives qui font avancer notre pays, elle a longtemps attendu que les promesses du ministre de la République se concrétisent. Elle le revit. Il lui promettra encore la lune, à elle qui peine sur terre. “Non, mon bon monsieur, aidez-nous sur la terre, la lune on vous la laisse”, voilà ce qu’elle a à peu près dit au ministre qui ne goûta guère ce langage cartésien venu d’une femme invisible. Il a daigné poser son auguste regard sur elle, et elle n’est pas contente de cette faveur ! On aura tout vu. Oui, monsieur on en voit de tout en Algérie. Elle comprendra par la suite qu’il l’avait juste gavée de promesses comme on gave les canards destinés à l’abattage. Poursuivant son chemin en dépit des refus et des embûches, elle fera avancer la cause des handicapés. Grâce à un sponsor privé, elle pourra avoir un siège décent pour son association et grâce à d’autres généreux donateurs, elle achètera plusieurs fauteuils roulants, ces Mercédès du pauvre, comme elle les appelle. Sa longue traversée de handicapée luttant pour la réinsertion de ses pairs dans notre société, lui a permis de prendre le pouls compassionnel de l’Algérien. Est-il solidaire ? Est-il généreux ? Elle répondra oui par…générosité. Et souvent à quelques rares exceptions, la générosité est l’apanage des petites gens. Comme si l’argent dessèche les cœurs en remplissant les poches. L’exception ? Quelques hauts responsables-ils se comptent sur les doigts d’une seule main- et quelques patrons dans le privé et dans le public. Femme d’action, Flora a des phrases ciselées : “Quand la misère entre par la fenêtre, le bonheur sort par la porte”. Et puis cette autre, pour tous ceux dont la fortune permet d’aider les infortunés : “Aucune personne n’échappe à l’sure du temps. Tous nous nous dirigeons tout droit vers la dépendance”, paroles de Flora qui a fait de sa dépendance une arme d’indépendance pour ceux qu’on appelle les handicapés.
H. G.
hagrine@gmail.com
17 juin 2011
Contributions