Edition du Mardi 24 Mai 2011
Culture
De la taxinomie à la glottophagie : le cheminement moderne de la mort d’une langue
REFLET CULTUREL
Par : Abdennour Abdesselam
De part le monde, toutes les études réalisées sur les premières actions engagées par toute colonisation lors des expéditions reposent sur ce qui est convenu d’appeler “la bataille linguistique”. Celle-ci se manifeste par la transformation des noms de personnes et de lieux en attendant l’élimination graduelle des langues autochtones.
Aussi, à travers l’histoire ancienne et récente de l’Algérie, il est apparu que la transformation des noms de personnages et de lieux a été une véritable stratégie d’occupation par les différents colonisateurs. Cette remarque a été prononcée surtout lors de l’expédition menée par Napoléon III en Afrique du Nord. Cette stratégie, reconduite malheureusement immédiatement après l’indépendance, poursuivait les mêmes objectifs de dépersonnalisation. La technique se réalisait suivant deux procédés très habiles :
- L’un démarre du “stade vertical”, c’est-à-dire au recul de la pratique de la langue au niveau des citoyens dominés chacun selon son statut social (élite, travailleurs, serviteurs, commerçants, etc.).
- L’autre relatif au “stade horizontal” qui consiste à étendre la transformation linguistique à la plus grande échelle géographique d’un pays.
Des spécialistes de la linguistique qui ont étudié profondément cette transformation, la nomment : taxinomie. On citera parmi eux : Ferdinand de Saussure, Roland Barthes, Louis-Jean Calvet, Mouloud Mammeri. Il n’y a en vérité rien de neutre dans toute forme de déformation nominale aussi légère soit-elle. Il n’y a qu’une tendance à l’exclusion d’une langue par une autre, d’une histoire par une autre et d’une civilisation par une autre au moyen de la bataille linguistique. Roland Barthes, linguiste émérite déclarait que “tous ces protocoles (les transformations nominales) ont pour fonction d’installer une sorte de vide linguistique, nécessaire à l’élaboration et au triomphe d’une langue sur une autre”.
Ainsi, la taxinomie comme premier niveau naissant de la transformation nominale devait aboutir à la glottophagie c’est-à-dire la perte de l’usage de la langue comme dernier niveau triomphant, et donc de la destruction de celle-ci. Voilà pourquoi il apparaît urgent de rétablir les noms de personnes et de lieux dans leur langue d’origine dans notre pays.
A. A.
kocilnour@yahoo.fr
17 juin 2011
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