05.Rien que des chimères /La nouvelle de Adila Katia

Edition du Samedi 11 Juin 2011

Des gens et des faits

Rien que des chimères

La nouvelle de Adila Katia

RÉSUMÉ : Tewfik a rejoint sa sœur à la cuisine. Il réalise qu’il l’a délaissée et qu’il en a fait qu’à sa tête. Il promet de se rattraper. Ainsi, il lui affirme avec certitude que le destin n’oubliait jamais les anges. Sorreya regrette la complicité qu’ils n’ont plus depuis qu’il s’est marié.

5eme partie

En pensant à Nora, elle ne peut pas lui reprocher de vouloir son mari tout à elle. En essayant de se mettre à sa place, elle aurait sûrement eu la même réaction qu’elle. Elle craindrait que sa belle-sœur ne réussisse à le monter contre elle, ne serait-ce que pour se venger du destin qui lui avait donné plus de chance qu’elle. Sorreya a souvent entendu parler de belles-sœurs qui se jalousaient. En mettant un écart entre eux, elle assurait et protégeait son bonheur.
Dès le lendemain, quand elle s’aperçut que Nora la boudait un peu, elle s’efforce de vite chasser le malaise. Elle ne voulait pas que ce rapprochement entre elle et son frère ne nuise à leur bonheur à eux et à leur entente à elles. Comme Nora n’enseigne qu’à dix heures, tout en l’aidant à faire le ménage, Sorreya décide de vite briser le peu de glace qui se forme au fil du temps qui passe. Pour bien lui mettre en tête qu’elle ne peut pas être leur ennemie et qu’elle veut les voir heureux, elle lui demande, en essayant de même le plus de naïveté possible dans sa voix et dans son regard.
- Dis, tu prends toujours la pilule ?
Nora l’a regardée, surprise. Elle rougit un peu et tourne la tête, tout en répondant.
- C’est encore trop tôt.
- Je ne vois pas ce que tu attends. Enfin, j’aimerais bien savoir pourquoi tu veux me priver du plaisir de tenir mes neveux et nièces dans mes bras ?  Tu sais, je voudrais les voir grandir et m’en occuper, comme je l’ai fait pour Tewfik. Au moins, tu donneras un sens à ma vie. J’aurais aimé me marier et avoir des enfants. Puisque Dieu ne l’a pas voulu, fais-le pour moi.
- Oh Sorri …
Nora se met à pleurer. Elle ne refuse pas de s’appuyer sur l’épaule de sa belle-sœur. Il lui faut un moment pour se calmer.
- Ne me dis pas que tu me prenais pour une ogresse ? s’écrie Sorreya
- Oh non, je ne voulais pas que tu aies le sentiment que je veux profiter de ta présence, parce qu’on a assez profité de ta générosité et de ta bonté. On n’en voulait pas plus, tu as trop donné …
- Vous seriez bien gentils et reconnaissants en me donnant à votre tour ce que je veux, dit Sorreya. J’espère que ce n’est pas trop vous demander ?
- Si cela peut te rendre heureuse ! réplique Nora en essuyant ses larmes. Mais il faudra en parler à Tewfik. Car  je suis inquiète, ça ne marche pas. Et cela fait six mois qu’on essaie…
Nora, qui était de nature forte, avait perdu du poids. Étant petite, elle paraît frêle maintenant. L’inquiétude a rongé ses rondeurs. Sorreya a commencé à se poser des questions. N’ayant aucune expérience dans le domaine, elle lui conseille d’aller voir un spécialiste.
- Il pourra vous aider…
Un jour, Nora va en voir un et d’après l’examen, elle n’a aucune anomalie. La gynécologue lui donne un traitement de trois mois. Nora l’entame tout de suite. Elle ne cache pas sa peur à sa belle-sœur. Sorreya s’efforce de la rassurer.
- Je suis sûre qu’il n’y a rien de grave, le traitement va tout mettre en ordre.
- J’ai l’impression que ces trois mois ne vont jamais finir, soupire Nora.
- Tout a une fin. Pourquoi te torturer ? Tu deviens alors moins belle , tu ne voudrais pas que Tewfik se détourne de toi ?
- Souhaitons que cela n’arrive jamais !  soupire Nora. J’en deviendrais folle. Tu ne peux pas t’imaginer combien je l’aime…
Même si Sorreya n’a jamais connu l’amour, elle peut très bien s’imaginer l’amour qu’ils partagent. Elle a aussi remarqué que ce problème a encore consolidé leur mariage, en renforçant leur amour. Elle ne les a jamais vus aussi proches l’un de l’autre, aussi prévenants. Cela lui fait plaisir de les voir s’aimer et se soutenir. Elle aurait ainsi aimer vivre et partager ses sentiments. Dommage, pense-t-elle souvent. Le destin l’a privée du meilleur qui donne une raison d’être et un sens à la vie.

(À suivre)
A. K.