Edition du Samedi 26 Mars 2011
Culture
Avec “la Corde” et “les Oiseaux”, le Crime d’Alfred Hitchcock était presque parfait
La chronique de Abdelhakim Meziani
Nombreux sont ses biographes qui soutiennent, si d’une œuvre complète de réalisateur, il fallait absolument détacher des morceaux choisis – non pour brûler le reste mais pour y voir clair – ce serait à coup sûr l’œuvre d’Alfred Hitchcock à laquelle des chaînes de l’Hexagone ont rendu hommage.
A l’affiche il y a bien sûr le Crime était presque parfait (1953), mais surtout des œuvres d’une grande teneur cinématographique à l’image de Pas de printemps pour Marnie ou les Oiseaux. Un hommage significatif qui lui est rendu ici, surtout que les cinéphiles ont toujours en mémoire sa filmographie dont la richesse a été maintes fois célébrée, “hissée sur le pavois” par l’équipe parisienne des Cahiers du Cinéma. Dès lors, l’exégèse s’empare de son œuvre, écrit Roger Boussinot, y découvre non seulement des gags amusants, des trouvailles stylistiques et des “constantes” plus ou moins voilées, mais une véritable forêt de symboles répondant à une conception du monde parfaitement cohérente. Sévères, d’autres courants cinéphiliques ne sont pas loin de penser, tout en savourant l’apparition de Hitchcock déguisé dans chacun de ses films, que le monde où se meut le réalisateur paraît bien en place : “Ses inégalités plastiques, ses différences d’intérêt dans la direction artistique, ses incidents monotones disparaissent dans la sûreté du récit, l’équilibre entre un certain somnambulisme des personnages et la précision appuyée des détails qui doivent terrifier.” Mais le public des salles obscures continue à ne voir en lui qu’un spécialiste du suspense, un “maître de l’angoisse”, voire un amateur incorrigible de l’humour noir. Encore que cette dernière réputation semble être surfaite parce que liée à un seul film, Mais qui a tué Harry ? (1956). Mais cette fascination pour cet auteur de talent sera quelque peu accentuée autant qu’émoussée, c’est selon, par The Rope où le cinéaste d’origine britannique fera une apologie nietzschéenne de la volonté de puissance. La Corde (1948) met en scène un couple d’intellectuels pédérastes qui, pour le plaisir d’un acte gratuit, étranglent un ami et cachent son cadavre alors que le crime est découvert par un professeur dont ils avaient perverti l’enseignement. Porté aux nues, ce film n’échappe pas pour autant à un certain recul de l’art cinématographique où une certaine absence de goût affleure, à cette époque, sous sa préférence de plus en plus marquée pour les héroïnes “aristocratiques” et aseptisées. Ce qui fera dire à Roger Boussinot : “Est-ce l’influence de la TV pour laquelle Hitchcock travaille constamment depuis 1955 avec un flair remarquable et des résultats artistiques médiocres ?” Imprévisible, Alfred Hitchcock renouera, en 1959, avec le spectacle cinématographique grâce à la Mort aux trousses où il rajeunit et récapitule ses films d’action, et dirige ses interprètes avec infiniment moins de complaisance. La poursuite qu’il propose à travers les paysages et monuments américains est, par son humour et son entrain, tout simplement magnifique et un des meilleurs moments cinématographiques de la période hollywoodien de ce réalisateur qui, en 1960, continue sur sa lancée pour donner Psychose, un film d’horreur où il a tout le loisir de se réconcilier avec ses fidèles amateurs du genre. Avec les Oiseaux (The Birds, 1963 ), il signe une œuvre apocalyptique, pleine de bruit et de fureur. Le scénario s’inspire de faits divers, dont la plupart ont eu pour cadre la région de Los Angeles, nous apprend la Chronique du cinéma parue aux Editions chroniques. Lorsqu’en 1964, il signe Pas de printemps pour Marnie, la cause est vraiment entendue. Même s’il portera à l’écran le Rideau déchiré (1966) avec, comme acteurs, Paul Newman et Julie Andrews, l’Étau (1968/1969), Frenzy (1971) avec Peter Finch et The Family Plot (1975). Fidèle à lui-même et au suspense qu’il a toujours adulé, Sir Alfred Hitchcock meurt, en 1980, pendant le tournage de son dernier film The short night. Certains critiques n’hésiteront pas à défendre l’idée consistant à soutenir que le maître du suspense a longtemps vécu sur une réputation qui ne l’intéressait pas. Hanté par la peur du vieillissement et du “vide” de l’existence – ce vide où s’engouffre le mal – il en est venu à faire de cette inquiétude le sujet même de certains de ses nombreux films.
A. M.
mezianide@djaweb.dz
15 juin 2011
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