Edition du Mercredi 20 Avril 2011
Des gens et des faits
Les racines de l’amour
La nouvelle de Yasmine Hanane
Résumé : Résumé : Ghenima apprend à sa belle-sœur que Mohand attendait le retour de son père et de son frère ainé, émigrés en France, afin de venir demander sa main. Fatiha laisse échapper un sous-entendu, en demandant à la jeune fille si son père consentira à accorder sa main à un forgeron.
12eme partie
Fatiha se reprend juste à temps pour répondre :
- Oh, Ghenima, pardonne moi. Je ne voulais pas t’inquiéter. C’est juste une petite discussion entre nous. En fin de compte, moi j’aime beaucoup Mohand. C’est un jeune homme dont rêvent toutes les filles du village. Il est beau, gentil, serviable, brave, et issu d’une ancienne famille du village. Tu ne pourras pas tomber sur un meilleur parti.
Ghenima garde le silence. Fatiha était-elle au courant de certaines choses qu’elle ignorait ? Cette dernière ébauche un sourire :
- Ne prend donc pas cet air triste, rien n’est encore joué, et je doute fort que la famille de Mohand soit rejetée par la tienne. Da Kaci, ton père n’a-t-il pas fait dernièrement ses éloges, en disant de lui qu’il est le digne héritier de son grand père Ammi Smaïl, qui avait dirigé la djemaâ jusqu’à sa mort, il y a quelques années.
Ghenima hoche la tête. Elle paraissait calme, mais au fond, le doute s’était immiscé dans son esprit. Elle passait justement devant la grange où Mohand tapait fortement sur un fer à cheval. Il ne les entendit pas passer, et les jeunes femmes, ne firent aucun geste pour attirer son attention. Elles continuèrent leur chemin et arrivèrent à Tala, où elles remplirent leurs jarres, avant d’entamer la montée du sentier pour rentrer chez elles.
Cette fois-ci, Mohand était dehors et rabotait une roue en bois. À la vue des deux jeunes femmes, il s’arrête et les regarde passer. Fatiha prend les devants et Ghenima la suit en baissant les yeux, mais elle les relève au bon moment et croise ceux de Mohand. Ils se sourirent discrètement et se lancèrent des regards pleins de promesses. Ghenima le rejoindra à la nuit tombée, quand tout le monde sera couché et ils pourront discuter à leur guise à l’intérieur de la grange. Elle avait pris ce pli depuis longtemps déjà. Et leurs rendez-vous étaient devenus réguliers et quotidiens, sauf que parfois, Da Kaci veillait tard au café et ne rentrait qu’a une heure tardive de la nuit. Alors, Ghenima, s’abstenait de descendre le sentier menant à Tala, car elle risquait de rencontrer son père ou des voisins. Pourtant, elle et Mohand, avait instauré une sorte de code entre eux. Ils avaient tracé à chaque fois un itinéraire différent pour se rencontrer.
Parfois, prétextant un besoin naturel, Ghenima quittait sa couche et ne revenait qu’au petit matin. Sa mère, qui ne se doutait de rien, se rendormait sans inquiètude, et quand Ghenima revenait, elle ne la remarquait même pas.
Da Kaci dormait dans la soupente surplombant la grande pièce depuis le mariage de ses deux fils, qui occupaient chacun, une chambre donnant sur la courette. Le vieil homme avait demandé à sa femme de veiller sur leur fille jour et nuit. Ghenima ne devait pas se retrouver seule la nuit.
Sait-on jamais ce qui pourrait arriver ? N’a-t-on pas entendu parler de ces “djinns”, voleurs de jeunes filles, qui chaque nuit rôdaient autour des maisons pour accaparer de jeunes vierges, et les emporter dans un royaume, dont seuls eux connaissaient l’existence ?
Cette croyance avait peut-être pour origine, de dissuader les jeunes filles de sortir après le coucher du soleil, de s’exposer au danger ou à la tentation charnelle. Mais à une époque où l’ignorance faisait partie du quotidien, ce n’était pas ces “expressions” qui manquaient pour alimenter des discussions de groupe ou des réunions de femmes, avides de sensations.
(À suivre)
Y. H.
15 juin 2011
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