Le 16 mars 1914, Henriette Caillaux tue Gaston Calmette, le directeur du Figaro, par crainte que le passé sentimental de son couple soit étalé sur la place publique. Ce coup de revolver est le premier d’une série de trois qui entraîneront la France et l’Europe dans la plus grande tragédie de leur Histoire.
Le deuxième visera l’archiduc Ferdinand à Sarajevo, le 28 juin, et le troisième aura raison de Jean Jaurès à Paris, au café du Croissant, le 31 juillet de la même année. La femme élégante qui s’est présentée au Figaro et a demandé à voir le directeur est l’épouse de l’homme politique le plus en vue du moment. Elle est déprimée par une campagne qui vise son mari. Depuis plusieurs mois, le Figaro publie au compte-goutte la correspondance privée de Joseph Caillaux à l’instigation de ses ennemis politiques et dans la volonté évidente de détruire sa carrière. Henriette, élevée dans les principes les plus stricts, s’est entendue dire de sa mère qu’il n’y avait pas de plus grand déshonneur que d’être la maîtresse d’un homme marié ! Or, elle-même a eu une relation intime avec Joseph Caillaux du temps où elle était mariée à un autre homme et son mari encore en ménage avec sa première femme. Elle craint par-dessus tout que le journal publie une lettre d’amour qui révèle ce passé qu’elle juge particulièrement «déshonorant » et c’est pour cela qu’elle va tuer le directeur du Figaro…Le procès passionne l’opinion publique. Comme celle-ci se montre, avant 1914, extrêmement bienveillante à l’égard des femmes qui tuent par passion amoureuse, la criminelle est sans trop de surprise acquittée par le jury d’assises le 28 juillet 1914. Le geste fatal d’Henriette Caillaux n’aura pas moins empêché son mari d’accéder à la présidence du Conseil, autrement dit à la tête du gouvernement de la France. Ce faisant, il aura annihilé l’espoir d’une alternative diplomatique à la tragédie majeure dans laquelle menace de sombrer l’Europe… En 1914, au moment où se joue une nouvelle fois le destin de l’Europe, Joseph Caillaux est sur le point de devenir président du Conseil quand survient l’acte désespéré de sa femme. Il se consacre dès lors à la défense de celle-ci. Le président de la République, Raymond Poincaré, n’est que trop heureux du mauvais coup porté à son rival. Surnommé «Poincaré-la-guerre», il n’a de cesse de préparer la «revanche». Dès le début de la Grande Guerre, après l’attentat de Sarajevo, Joseph Caillaux partira avec sa femme pour de longs voyages à l’étranger. À son retour, le chef de la gauche radicale, Georges Clemenceau, qui figure au premier rang de ses ennemis, va tenter de le faire fusiller pour défaitisme et haute trahison. Joseph Caillaux, en vrai animal politique, saura retrouver des postes ministériels après avoir connu le déshonneur et la prison, mais sa place dans l’Histoire aura été escamotée à jamais, en laissant le regret d’une guerre qui aurait pu être, sinon empêchée, du moins mieux conduite.
13 juin 2011
EPHEMERIDES