Edition du Mardi 15 Mars 2011
Culture
mouloud feraoun est tombé en 12 balles six secondes
Reflet culturel
Par : ABDENNOUR ABDESSELAM
À trois jours de la signature des Accords d’Évian, qui allaient consacrer le cessez-le-feu et l’accès de l’Algérie à son indépendance, un commando d’ignobles assassins, criminels de la tristement célèbre OAS,
assassine, le 15 mars 1962, Mouloud Feraoun et six de ses collègues, dont Ali Hamoutène. Cela a-t-il suffi pour taire à jamais la voix du combattant par la plume qu’était Mouloud Feraoun, l’écrivain et l’enseignant ? Sûrement pas. Mammeri, dans une lettre-préface qu’il lui a dédiée à titre posthume, lors de la réédition en 1988 par l’Enag de son roman la Terre et le Sang, écrivait à juste titre : “…Du paysage ce sont ceux qui ont craché leur rage en douze balles six secondes qui ont disparu, rayés parce qu’ils n’avaient pas assez de sang généreux dans les veines, assez de rêves fous dans les yeux, pour y demeurer… Mouloud ! Comme si une giclée de balles assassines pouvait t’avoir arraché de notre vie, sous prétexte qu’elles t’avaient, un matin de mars 1962, stupidement rayé du paysage… C’était le dernier hommage de la bêtise à la vertu…” C’est un homme de lettres qui écrit à un autre homme de lettres. Ils se sont longuement côtoyés et longtemps connus. Assez pour partager la vision commune qu’ils avaient de la littérature algérienne des années 1950.
Mammeri disait de Feraoun qu’il voulait montrer que ce qui arrivait aux hommes et aux femmes de notre pays valait la peine d’être dit, parce qu’il avait la même valeur humaine que ce qui arrivait aux hommes et aux femmes dont traitaient les grandes littératures mondiales. Aussi, ai-je préféré plutôt leur restituer la parole, l’écrit et la pensée en ce douloureux souvenir de la disparition tragique de Fouroulou. En conclusion de sa lettre préface, Mammeri terminait de lui dire : “…Voilà, Mouloud. Eux, sont partis avec leurs fureurs, leurs rancœurs, leurs cœurs fermés (leurs yeux aussi), leur accent mal peigné, leur humanité dévoyée… et toi, tu restes éternellement nôtre, éternellement avec nous, tout près de nos mains calleuses, de notre misère, de nos rêves, de nos rires, montant avec nous des chemins qui grimpent jusqu’au ciel, nourri des mêmes neiges, la tête ivre du même soleil, le cœur des mêmes sèves… Donne-moi la main, Mouloud… Le havre est maintenant tout près, juste par-delà la bêtise et la haine, à un jet d’espoir d’ici…” Combien il est vrai que la voix de Mouloud Feraoun continue de vivre parmi nous. Lettre-préface de Dda L’Mouloud à Dda L’Mouloud.
A. A.
kocilnour@yahoo.fr
18 juin 2011 à 6 06 04 06046
You’ve hit the ball out the park! Inecrdible!