Edition du Lundi 21 Février 2011
Contribution
Mode alternatif de résolution des conflits
LA MÉDIATION JUDICIAIRE
Par : BOUZERTINI DJAMEL (*)
Le conflit est à l’évidence l’une des constantes de l’être humain. Il est omniprésent dès l’apparition de l’homme.
La gestion du litige a, en revanche, évolué depuis Adam et Ève. La préhistoire n’avait comme seul moyen que la force ; la raison du plus fort était l’unique solution de mettre fin à une querelle. L’avènement de la civilisation amène une première évolution : à la violence se substitue l’autorité publique, nous rentrons progressivement dans l’ère de la règle de droit. Trancher le litige devient la prérogative de l’État par le biais de son appareil judiciaire.
À l’aube du troisième millénaire, il est apparu que les règlements des conflits par la voie pacifique est la particularité d’une société évoluée. C’est ainsi que l’on peut qualifier une société dont les acteurs privilégient le dialogue à la logique de confrontation, la recherche d’une solution “arrangée” par l’intermédiaire d’un tiers à la solution forcée d’un juge ou celle d’un arbitre.
Chaque société a inventé, à travers les âges et les latitudes, des mécanismes de règlement de conflits qu’elle a intégrés à son arsenal législatif au profit d’une vie communautaire où la paix sociale est le premier intérêt à défendre. Le plus connu est celui de la médiation car, en effet, et pour différentes raisons que nous verrons plus loin, on peut déjà affirmer que les solutions judiciaires, si elles règlent le litige, ne règlent pas pour autant le conflit qui peut, soit rester latent, soit réapparaître sous d’autres formes.
C’est pourquoi, la réflexion sur une alternative ou un nouveau processus de gestion des conflits a vu le jour. C’est ainsi qu’à travers différentes contrées de par le monde (pays anglo-saxons) ont apparu les modes alternatifs de résolution des conflits.
Ces alternatives visent toutes à transférer le pouvoir de gestion de l’autorité publique à un tiers privé. Certaines, au nombre desquelles une fois encore l’arbitrage, conservent la règle de droit comme “outil”. D’autres, la médiation en particulier, lui substituent des instruments modernes dont la psychologie n’est pas le moindre.
Mais, en réalité, qu’est-ce qu’un conflit ?
Selon Jeffrey Rubin, le conflit est l’impression ressentie par deux ou plusieurs personnes que leurs intérêts respectifs sont incompris, ou que leurs aspirations respectives sont inconciliables. Tout comme une maladie, le conflit se développe par étapes. D’abord inconscient, il se termine par un différend ou un litige, soit un désaccord sur une ou plusieurs questions pouvant faire l’objet d’une décision par une tierce partie.
Le conflit prend naissance avec l’apparition d’un événement, ensuite vient le problème qui est perçu par une personne comme une contrariété, puis cette personne contrariée désigne un responsable et se plaint puis revendique une réparation à celle qu’elle estime en être responsable. Si la victime estime que sa réclamation n’est pas satisfaite en tout ou partie elle entre en dispute ou en conflit. Prenons l’exemple cité par Me Jean Gay, avocat médiateur (Suisse), animateur du colloque sur la médiation, en 2009, à Alger.
Quelques jours après l’achat d’un téléviseur, le propriétaire s’aperçoit que le tube cathodique se rompt. Le litige est à son stade 1. À l’heure des informations, notre téléspectateur se rend compte de la panne (problème) et estime que son vendeur porte la responsabilité de ce défaut (doléances). Il s’adresse immédiatement à son fournisseur (revendication), lequel conteste sa responsabilité estimant que la panne est le fait d’une mauvaise manipulation. Le litige est avéré.
On remarquera que le conflit existe déjà dès le stade 2, soit dès la perception du problème, et doit faire l’objet d’un traitement au stade 5. Ce traitement peut être la négociation entre les parties, la négociation assistée — médiation notamment —, soit enfin la décision d’un tiers, arbitrage ou jugement.
Ce conflit peut évoluer de deux
façons :
- le renoncement
La partie lésée peut s’estimer en position de faiblesse pour différentes raisons économiques (coût d’un procès) ou crainte de l’adversaire (employeur). Ce conflit restant latent peut ressurgir plus tard à l’occasion d’un nouveau conflit, ce qui va créer un enchevêtrement des deux conflits.
- l’action
L’action menée à son terme peut aboutir soit à une solution consensuelle en cas de transaction, soit imposée par un jugement lorsque les deux parties restent campées sur leurs positions.
Dans ce dernier cas, il est fréquent que cette solution soit insatisfaisante pour l’une des parties quand ce n’est pas pour les deux. Comment gérer le conflit ?
La gestion du conflit basée sur les positions
- La solution judiciaire
Les inconvénients sont multiples, nous en citerons principalement :
- Les délais
L’affaire traînera en longueur car, une justice ne peut être expéditive, la décision doit être mûrement réfléchie. Quel justiciable peut endurer sans conséquences morales ou financières des années durant la solution à son litige.
- Le coût
Sans perdre de vue que certaines procédures peuvent être gratuites (en matière de conflit de travail, par exemple) ou que pour certaines catégories de justiciables, il peut être accordé l’assistance judiciaire, il faut reconnaître que la justice est chère et même très chère.
- Le coût psychologique
Les caractéristiques essentielles de la justice sont de juger contradictoirement les litiges. La conséquence est que chaque protagoniste ne se contera pas de mettre en avant les points forts de son dossier, il tentera de mettre à néant les arguments de son adversaire quand ce n’est pas de démolir l’adversaire lui-même. Rancœur et haine sont à la porte de chaque tribunal. La décision de justice toute autoritaire qu’elle soit sera toujours incapable de mettre fin à cet état psychologique qu’elle a engendré. Le système détruit souvent une relation, familiale, amicale ou d’affaires.
- Décision souvent choquante ou décevante
Notre propos ne consistera pas en un réquisitoire contre la justice, telle n’est pas notre intention, le recours à la justice s’avère dans bien des cas absolument nécessaire. Mais force est de constater que l’application du droit se faisant sur des lois applicables au plus grand nombre, elles sont de ce fait mal adaptées aux cas particuliers et que, même si le juge tente par un effort de les adapter à l’espèce, il risque de voir sa décision porter devant une autorité supérieure par la partie s’estimant lésée.
C’est bien connu, loi et équité ne sont pas synonymes, c’est ou blanc ou noir, c’est tout ou rien. Et c’est souvent que l’un des antagonistes verra sa vie basculer en quelques secondes, le temps pour le juge de lire le dispositif du jugement.
- La négociation raisonnée ou la négociation sur intérêts
Celle-ci peut prendre plusieurs formes, la plus connue est la médiation
- Définition de la médiation
Selon Folberg et Taylor, la médiation est une procédure par laquelle les parties au litige analysent, avec l’aide d’un ou plusieurs tiers neutres, systématiquement, leur conflit en vue de découvrir toutes les facettes de celui-ci et de trouver sur cette base des options et alternatives pour aboutir à un accord. Nous devons ajouter pour être complet que ces tiers neutres n’ont pas de pouvoir décisionnels, ils ont pour principale vocation de faciliter la négociation alors que le juge a le pouvoir de trancher. Le médiateur assiste les parties, facilite leur échange sans prendre partie, il est au milieu.
À la différence du conflit de position, qui est traité au regard de la loi par une décision judiciaire, la médiation gère le conflit par rapport aux intérêts des parties en cause. Quelle différence peut-on faire entre les deux ?
La position est ce que veut une partie, plus précisément, ce qu’elle déclare vouloir. Les intérêts sont, en revanche, la ou les raisons pour lesquelles cette volonté existe. La négociation sur position se focalisera sur le problème formulé, la négociation raisonnée tentera de résoudre le problème en son entier et tiendra compte de deux intérêts et non d’un seul. Elle doit tenter de les faire coïncider pour procurer aux parties un bénéfice mutuel.
Exemple cité par Me Jean Gay : une infirmière est licenciée par son employeur après plus de vingt ans de collaboration. L’employeur justifie sa position sur le fait que, victime d’un grave accident, elle ne peut plus remplir convenablement sa tâche. L’infirmière réclame des indemnités
financières (conflit de position) tout en cachant des craintes sur le péril de
son avenir professionnel ainsi que de la
perte de confiance en soi et le sentiment d’injustice, etc.
Une décision de justice aboutira à l’octroi d’une somme d’argent. Sans régler les craintes cachées de l’employée. Un accord négocié par l’aide d’un tiers tenant compte des intérêts communs pourra, en revanche, faire abstraction de toute indemnité financière, les parties se mettant, par exemple, d’accord sur un reclassement de la salariée dans un service adapté à son handicap.
Le négociateur fera donc bien de s’inspirer en quelque sorte du chirurgien dont la première tâche est de nettoyer la plaie avant de réduire la fracture.
Ainsi peut-on conclure qu’un accord raisonné est susceptible d’aboutir à une solution satisfaisante pour les deux parties tandis qu’un accord sur position aura pour effet un résultat insatisfaisant à tout le moins pour un justiciable.
- Les qualités du médiateur
N’est pas médiateur qui veut. Avoir de la personnalité, du talent, de la compétence, la capacité d’écoute, l’aptitude à l’analyse psychologique, la notoriété. Savoir réunir les parties en conflit, rétablir le dialogue, éviter la logique d’affrontement, catalyser le climat de confiance, la confidentialité, amener les parties à avoir raison avec l’autre et non contre l’autre. Avoir une formation spécifique.
- Les avantages de la médiation
Gain de temps, satisfaction des deux antagonistes. “Deux antagonistes gagnants”, elle favorise ostensiblement la consolidation des relations et concourt à la stabilité de la paix sociale.
Selon des études, en France, 20% du contentieux judiciaire en moins. En Grande-Bretagne 73% des litiges de moins de 500 livres sterling sont réglés et parfois même la médiation se fait par téléphone (médiateur et médiés). On parle même aujourd’hui de la médiation “on line”.
Les accords sont plus fiables, les coûts collatéraux disparaissent (psychologiques notamment). On peut conclure que la médiation est un outil pour l’efficacité de la justice.
- Les limites de la médiation
La médiation est une alternative qui ne sied pas à tous les litiges ni, au demeurant, à toutes les parties au litige.
La négociation assistée n’est d’aucune utilité, notamment lorsqu’un principe de droit, moral généralement, est en jeu, lorsque le litige ne peut être résolu que par l’acceptation ou le rejet pur et simple d’une demande, lorsque, enfin, le problème demande une solution urgente et autoritaire, mesures provisionnelles et conservatoires, par exemple. En Algérie, sont exclues de la médiation les affaires relatives au code de la famille, les affaires prud’hommales, les affaires touchant à l’ordre public.
Quant aux parties, certains caractères et comportements sont incompatibles avec une procédure de médiation. La mauvaise foi ou, parfois, un déséquilibre important dans l’autonomie respective des parties.
Les objectifs visés par les premières assises de la médiation, qui se tiennent le 21 février 2010, sont notamment : faire connaître au grand public les avantages de la médiation et la pratique de celle-ci à travers différentes expériences internationales, stimuler la culture de la médiation, permettre aux médiateurs agréés de se regrouper en association nationale pour leur permettre de mutualiser leurs efforts et établir des programmes de formation tant en technique de communication qu’en matière de déontologie et, enfin, de procédure.
B. D.
(*) Directeur général du CRJJ
20 juillet 2011 à 19 07 47 07477
Je vous tire chapeau Monsieur pour ce que vous etes entrain de faire bonne continuation! mais c’est dommage dans notre temps y avait çaaaaaaa
25 juillet 2011 à 14 02 13 07137
Je vous tire chapeau Monsieur pour ce que vous etes entrain de faire bonne continuation! mais c’est dommage dans notre temps y avait pas çaaaaaaa