Edition du Mercredi 09 Mars 2011
Chronique
Le prix de… “la paix et la réconciliation nationale”
Par : Mustapha Hammouche
“Nous sommes tombés d’accord sur la mise en place d’une commission chargée de la prise en charge des revendications du corps des gardes communaux”, a déclaré un délégué des “Groupes de légitime défense”, avant que lui et ses collègues manifestants ne rejoignent la gare routière pour “rentrer chez eux”.
C’est le genre de manifestants qui conviennent à Alger, avec des exigences de type matériel et qui se satisfassent de la mise en place d’une commission. En cela, le pouvoir, depuis toujours, sait s’y prendre : une commission, une autre, avec la promesse traditionnelle de “prise en charge des doléances” de la corporation.
Et pour exprimer que la revendication n’a rien de subversif, les GLD n’ont pas caché leur soutien au président de la République. C’est juste qu’il faille réparer l’injustice qui, dans la mise en œuvre de la réconciliation, a fait la part belle aux anciens terroristes aux dépens de ceux qui les combattaient. Non pas que Bouteflika n’y est pour rien dans ce traitement de faveur réservé aux “repentis”, mais c’est lui qui a la prérogative d’y remédier.
Ce “pragmatisme” revendicatif semble faire culture. Les étudiants, déjà reconnaissants de voir le décret présidentiel abrogé quelques semaines après sa promulgation, manifestent dans le même esprit pour leurs réclamations complémentaires : ils s’appliquent à préciser que la tutelle est seule responsable de leurs maux.
Le nouveau-né collectif des médecins-résidents est tout aussi prévoyant : “nous sommes un mouvement apolitique”, précise le docteur Sahnoun.
Par les temps qui courent, tout sauf la politique ! Il y a tellement de chances que les requêtes soient satisfaites quand elles impliquent de simples frais financiers pour le pouvoir. Et si en plus, grâce aux révolutions des autres, le pétrole est à plus de cent cinq dollars le baril… Tout sauf la politique ! Des fois qu’on vous soupçonnerait de connivence avec les initiateurs de la marche du samedi !
Non pas parce qu’on dénie à Sadi la légitimité d’appeler au changement. Un peuple qui, en mai 2005, souffrait tranquillement de voir Madani Mezrag tenir une conférence au Palais de la culture… Malek Haddad de Constantine et qui, récemment, restait impassible quand Hattab pérorait sur les ondes de la radio publique, ne peut subitement prendre conscience que Ali Benhadj ne constitue pas un… bon parti !
Non, c’est que soutenir une manifestation politique n’est pas payant. Mezrag et Hattab ont gagné malgré leurs méfaits ; Ali Benhadj, réduit à vendre les fines herbes pour vivre, a perdu, bien qu’il ne soit pas personnellement allé jusqu’au bout des sanglantes implications de ses convictions.
Quand on encourage à l’expression de l’anti-kabylisme primaire, quand on excite les instincts d’intolérance refoulés, l’intolérance grégaire du “houmisme”, on peut bien y ajouter une prime sonnante et trébuchante. Beaucoup de catégories “sociales” l’ont compris. Ce qui donne un aspect strictement mercantile au discours contestataire de l’heure. Et, apparemment, ce n’est que le début de l’effet structurant, de la relation société-état établie par la doctrine de la “réconciliation nationale”. Le prix de la paix civile qui se présente comme le prix de la paix sociale.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
11 juin 2011
Contributions