Edition du Samedi 11 Juin 2011
Culture
Le contrôle militaire de la planète et les crampons de la discorde
La chronique de Abdelhakim Meziani
Par : Abdelhakim Meziani
Ma voyante préférée de Fès m’a appelé. Non pas pour me féliciter pour l’intérêt manifeste que j’ai pour la construction du socle maghrébin, encore moins pour me raconter
La Légende du pianiste sur l’océan, une adaptation à l’écran d’un monologue par le cinéaste italien Giuseppe Tornatore sur une musique d’Ennio Morricone. Et pourtant, elle sait que j’ai un faible pour le cinéma italien sans oublier les monologues de Boualem zid el goudem, pardon de Slimane Bénaïssa qui s’est rappelé à notre bon souvenir pour nous replonger dans notre fierté d’antan. Une dignité dangereusement hypothéquée par les temps qui courent quand elle ne risque pas d’être sacrifiée sur l’autel des ambitions néocolonialistes de quelques grands de ce monde. Elle aurait tout simplement peur pour moi. Elle me verrait même dans la peau de John Malkovitch ? Je la vois venir tant elle donne l’impression de préparer un coup fourré. Elle n’est pas frontale. Au lieu d’épiloguer sur la raclée footballistique qui nous fut justement administrée par le onze marocain, elle me lança un tendancieux “c’est vrai que vous allez ramener un entraîneur étranger de haut niveau ?” Le président de la FAF a encore raté l’occasion de se taire car pour qu’il y ait un entraîneur de haut niveau, il nous faut une Fédération d’égale compétence, un football national généreux en acteurs de qualité et un grand peuple surtout. Un peuple qui ne fait pas d’une simple confrontation sportive sa raison d’être alors que sa mission sur terre consiste à travailler et à produire pour sortir le pays de sa dépendance alimentaire vis-à-vis des nouveaux croisés. Un peuple qui, faute d’une classe politique digne de ce nom et d’une rupture avec son sempiternel statut d’assisté, se doit de s’impliquer et de se battre pour que le sport, les arts et les principes civiques et démocratiques soient enseignés à nos enfants dès l’école maternelle. Dans la peau de John Malkovich, je le suis quelque part tant le film de Spike Jonze recèle de purs instants hilarants (l’entrée de Malkovich lui-même dans son propre cerveau), et se décline comme un drame grinçant où le pathétique fait rire parce qu’il touche à l’absurde… J’ai beau rassurer Ma voyante préférée de Fès quant à mon insensibilité face à une déroute footballistique, mais en vain. J’ai beau lui annoncer que mon oncle maternel était plongé dans le coma et que la première parole qu’il prononça à son réveil fut “Kadhafi est un zaïm !” rien ne semblait l’arrêter dans sa course effrénée de porter la marque à cinq réalisations comme si un but par milliard jeté par les fenêtres de l’auberge espagnole ne suffisait pas… Je comprends mieux que quiconque le sentiment de mon oncle, ancien secrétaire de Benyoucef Benkhedda au moment où la Zone autonome d’Alger était dirigée par Abane Ramdane, un enfant de La Casbah éternelle autant qu’irascible supporter du Mouloudia d’Alger. Un club qui, à l’instar de l’équipe nationale, confirme l’esprit et la lettre de ce que Mao Tsé-Toung m’a enseigné : “La culture est sur le front idéologique le reflet de la situation politique et économique d’un pays…” Bien que je n’aie aucune considération pour les roitelets arabes, encore moins pour un quidam qui se croît éternel, nous ne savons rien en effet des membres du Conseil national de transition de Benghazi. À ses origines, le mouvement, a contrario de ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte, n’avait-il pas pris en Libye la forme d’une révolte armée, faisant feu sur l’armée, et non celle d’une vague de manifestations civiles ? Cette révolte armée n’a-t-elle pas immédiatement entraîné une intervention militaire des puissances impérialistes en butte à une crise économique sans précédent ? Au-delà de la “protection des civils” — du reste bombardés à souhait — et de la “démocratie”, le contrôle définitif du pétrole et le transfert de l’Africom (le Commandement militaire des États-Unis pour l’Afrique) à Benghazi ou à… Tripoli, ne seraient-ils pas le socle d’une nouvelle croisade à un moment où le peuple palestinien vit une situation dramatique au Golan sans que le complexe militaro-industriel américain et ses subalternes de l’Hexagone s’émeuvent ? Je comprends mieux la haine de mon oncle…
A. M.
mezianide@djaweb.dz
11 juin 2011
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