Edition du Jeudi 03 Février 2011
Culture
Entre les jeunes des cybercafés et les intellectuels des salons
Souffles…
Par : Amine Zaoui
Le grand génie des enfants d’Internet, de facebook et des SMS nous interpelle. Ce grand nouveau génie ouvre nos yeux bandés sur beaucoup de choses. D’abord, il nous enseigne que les intellectuels
d’aujourd’hui appartiennent à une époque révolue. Le génie de ces enfants terribles né dans des cybercafés installés dans les quartiers les plus défavorisés de nos villes, nous apprend que l’intellectuel du salon est une sorte de “yaourt” périmé. Plutôt un médicament périmé. Et, un remède périmé est un poison. Oui, nous intellectuels, nous ne sommes qu’un poison et polluons les écrans des enfants d’Internet, de facebook et des SMS. Au moment où les jeunes s’installent dans des cybercafés assis sur des chaises en bois ou en métal ruinées campés face à des moniteurs fatigués, pour créer les nouvelles révolutions, les intellectuels eux se basent dans des salons pour commenter les couleurs du ciel ou celles des yeux des comédiennes défilant dans des films sans couleur. À l’heure où les jeunes créent leur langage moderne et attractif via Internet, facebook ou SMS, les intellectuels s’installent dans leurs discours enrhumés et paralysés. Tout changement a besoin, et avant tout, d’un nouveau langage. D’un discours propre à lui. Toute révolution neuve est née dans un vocabulaire qui répond à l’urgence et installe le rêve dans l’air du temps. Et nos enfants d’Internet, de facebook ou des SMS, pleins d’énergie et pleins aussi de souffrance, ont créé leur nouveau langage dont les intellectuels des divans confortables n’arriveront jamais à le décoder. Au moment où des milliers de jeunes hantés par l’essence de la vie et de l’amertume regardent l’avenir confisqué par des dictateurs, les intellectuels des salons regardent vers le passé. Ils sont, et ils se sentent étrangers à tout ce qui se passe devant leurs yeux, en bas de leurs fenêtres. Cette belle création juvénile et remuante qui sort des bouts des doigts de ces enfants d’Internet, de facebook et des SMS, est étrange pour ces intellectuels qui regardent l’avenir dans le passé passéiste. Une lecture sémiologique ou sémantique du registre linguistique branlé par les jeunes en forme de slogans, d’écriteaux et de banderoles nous annonce la fin de l’intellectuel appartenant au siècle dernier. Un intellectuel effeuillé devant sa majesté “la rue”. Cette première décennie de ce siècle, par ces enfants d’Internet, de facebook et des SMS, a fondé les genèses de son nouvel intellectuel. La rue annonce la naissance d’un autre modèle d’intellectuel. La culture de la tente et de la caravane est enterrée. Et sa majesté la rue, encadrée par la pauvreté et le défi, nous annonce aussi la mort des partis traditionnels. Et déclare, en même temps, l’accouchement de trois nouveaux partis : parti d’Internet, parti de facebook et parti des SMS. Des partis travaillés à l’artisanale, avec un autre langage ciselé porteur de messages clairs aux vieux dictateurs, toutes sortes de dictateurs : Dégage. Irhal. Liberté. Houriya. Corruption. Fassad. Hérédité du pouvoir. Tawrith Assoulta. Dignité. Karama. Un discours ardent qui fait dans la rupture complète et définitive avec la rhétorique politique et culturelle des années cinquante et soixante-dix. Il est fait dans la langue résistante d’une nouvelle renaissance reflétant les bouleversements profonds et violents qui traversent les matrices sociopolitiques dans des pays du Maghreb et du Machreq. Avec ces jeunes dont leur mémoire est abîmée par le despotisme, le vent de changement a soufflé clarifiant la différence entre la dawla et la daâwa. Toutes les banderoles branlées, toutes les langues déroulées dans sa majesté la rue n’avaient ni odeurs ni couleurs islamiques. Seule la citoyenneté, la dignité et la liberté ont fait les mots d’ordre, les mots d’avenir, les mots des jeunes. C’est le bon sens du bon vent.
A. Z.
aminzaoui@yahoo.f
11 juin 2011
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