Culture islamique ou cultures islamiques ? Souffles… Par : Amine Zaoui

Edition du Jeudi 03 Mars 2011

Culture

Culture islamique ou cultures islamiques ?

Souffles…

Par : Amine Zaoui

“Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011”, c’est ainsi qu’on appelle la manifestation phare ou “far” de cette année. Une manifestation qui a fait couler beaucoup d’encre et beaucoup d’argent.

“Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011”, épistémologiquement, cette appellation est erronée. Pourquoi, historiquement, ce label est-il infondé ? Elle est incorrecte d’abord parce qu’il n’y a pas qu’une seule culture islamique. Dès les premières années de l’islam, lorsque la culture initiale de l’islam arabe est arrivée, elle s’est trouvée dans l’obligation stratégique et religieuse de cohabiter avec les cultures et les langues locales. Ces dernières se sont alors totalement ou partiellement islamisées. Depuis l’arrivé de la première culture de l’islam arabe dans ces nouvelles géographies humaines et ces cultures linguistiques étrangères à l’arabité et à l’islamité, cette culture islamique est devenue plurielle. Des cultures. L’expansion de l’islam arabe vers des horizons asiatiques, africains et européens a donné à sa culture initiale d’autres souffles, d’autres colorations, d’autres contenus. Aussitôt qu’elle a épousé les autres cultures locales, tout en respectant leurs caractéristiques et honorant leurs valeurs humaines, la culture islamique arabe a connu ses moments historiques les plus forts, les plus nobles. Période de Tolède. Ainsi, la pluralité culturelle islamique est née. Diversité, divergence, rivalité et respect. La terre de l’islam fut, pendant ses siècles de lumières, une terre ouverte à toutes les religions, à toutes les pensées et à toutes les langues. Là où l’islam est arrivé, les cultures locales, toutes disciplines confondues (littérature, philosophie, jurisprudence, musique…), étaient considérées comme une partie intégrante de cet ensemble de la culture islamique plurielle.  Dans son fameux livre Kitab al-Milal wa al-Nihal (livre des religions et des sectes) Al-Shahrastani (1086–1153) considère les penseurs et philosophes vivant sur la terre d’islam et appartenant à d’autres religions, tels le judaïsme ou le christianisme, comme une composante importante et indivisible de l’ensemble de l’intelligentsia islamique. Certes, les cultures islamiques, dans la terre de l’islam, détenaient une bibliothèque (khizana) commune composée des références majeures tels: le texte sacré le Coran et les Livres de la Sunna. Mais en contrepartie, chaque culture islamique locale disposait d’une bibliothèque singulière et originale dont les références majeures constituent la mémoire de son imaginaire collectif. L’impuissance de la langue arabe, langue du Coran, face à d’autres grandes langues comme le persan ou le turc, a renforcé la pluralité et la diversité des autres cultures islamiques. Chaque peuple islamisé a gardé par et dans l’imaginaire populaire sa personnalité culturelle. Chaque nation islamisée a sauvegardé ses composantes humaines, religieuses et ethniques qui forgeaient le sens de sa culture islamique. Les nouvelles langues là où l’islam est installé ont gardé leurs mémoires antérieures avec tout ce qu’elles détenaient de la symbolique antéislamique. Ainsi, nous nous trouvons face à une multitude de cultures islamiques : arabe, persane, turque, afghane, asiatique, chinoise, africaine et européenne. Et par la présence du symbolique culturel, par la force du politique et des idéologies, nous enregistrons la naissance des islams. Diverses formes de l’islam. Donc chaque islam a sa manière d’être, sa façon de célébrer et de se célébrer dans le politique, le religieux et le culturel. Aujourd’hui, nous remarquons que l’islam arabe, ou l’islam des Arabes, est devenu l’islam minoritaire. L’islam d’une minorité. La nation d’Arabie, où l’islam a trouvé naissance il y a plus de quatorze siècles, dispose d’un islam minoritaire par rapport à celui des nations qui, à travers les temps, ont accueilli cette nouvelle religion. Et par ce temps qui court, l’islam arabe est devenu moins visible que l’islam persan, afghan ou même européen. En cette année labellisée “Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011” nous nous demandons : “culture islamique” ou “cultures islamiques” ou … “cultures des musulmans du monde”?

A. Z.
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