Edition du Mardi 15 Février 2011
Contributions
Approfondir le processus démocratique
Par : Brahim Tazaghart (*)
“C’est le début de la marche vers la démocratie ?” me questionna un ami occidental ce matin du 12 février, avec beaucoup d’excitation et de curiosité dans la voix. “Non, notre marche a débuté un certain 5 Octobre 1988, dans un contexte politique mondial qui a provoqué la chute du mur de Berlin et la dislocation de toutes les dictatures de l’Europe de l’Est”, ai-je répondu.
En effet, oublier aujourd’hui, dans ce contexte caractérisé par une grande fièvre politique et médiatique qui s’est emparée des pays arabes, essentiellement en Tunisie et en Égypte, ce que nous avons vécu depuis 1988, c’est prendre le risque de remettre en cause 22 années de lutte politique plurielles et multiformes et d’effacer d’un seul coup une expérience riche et fondatrice.
Ainsi, nous n’avons pas à suivre, d’une manière irrationnelle et opportuniste, des mouvements qui sont en retard de plusieurs décennies par rapport à notre vécu politique.
Nous devons, impérativement combattre ce sentiment dévorant d’être à la marge d’un moment qui marquera l’histoire du monde arabo-musulman. Non, ce sont les autres qui nous rattrapent, qui sont sur nos traces… Ainsi, vouloir mobiliser la population derrière le slogan devenu à la mode : “Chute du régime”, c’est faire preuve d’un manque de vigilance et d’un aventurisme criant.
Ce slogan imprécis est une porte ouverte sur toutes les impasses, et au bout du compte, sur l’implication directe de l’armée dans la gestion de l’État et la mise entre parenthèses d’une expérience démocratique, certes imparfaite, mais qui reste la seule voie possible vers la démocratie.
Au lieu de slogans approximatifs et vagues, nous devons mettre à profit cet éveil de l’intérêt public pour la cause politique, ce contexte régional et international favorable au changement, pour approfondir d’une manière concrète notre expérience démocratique : pluralisme politique, pluralisme médiatique, séparation des pouvoirs, égalité entre les hommes et les femmes, entre les langues nationales, entre les régions du pays, limitation des mandats électifs, mise en place des mécanismes transparents de gestion des richesses nationales, relance de l’économie, etc.
La responsabilité veut que nous devrions nous efforcer, en ces moments cruciaux, à garder la tête froide et penser à emprunter les meilleures voies et les moins coûteuses pour accéder à une vie démocratique et digne.
À cet effet, l’ouverture d’un large débat national sur toutes les questions qui engagent l’avenir de la population et de l’État, et qui touche aux libertés, à toutes les libertés, peut provoquer la rupture avec l’impensé et l’improvisation.
B. T.
(*) Militant de la démocratie et écrivain
11 juin 2011
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