Edition du Samedi 12 Février 2011
Contributions
Devant la situation grave que traverse “encore une fois” notre pays, je ne peux rester insensible à la malvie de nos jeunes qui, il n’y a pas si longtemps, ont donné la plus belle preuve d’amour à l’Algérie (Coupe du monde 2010) ;
depuis l’Indépendance, le drapeau algérien n’avait pas flotté si fort et si haut. Et depuis, notre jeunesse et tout le peuple continuent à voir la mauvaise et injuste répartition des richesses de notre pays. Notre peuple a arraché son Indépendance, par la violence de la jeunesse de l’époque, qui a tenu tête à l’armée coloniale. Mais il est inadmissible que l’État algérien ait permis à la culture de la violence de se développer jusqu’à devenir le seul moyen de revendication pour avoir ses droits.
C’est la violence du 5 Octobre qui a donné naissance au multipartisme. C’est par la violence que la Kabylie (1998-2001) a obtenu quelques droits. C’est par la violence que certaines familles ont été relogées. Et c’est par la violence de 1991 que les mécontents ont été au terrorisme… Et puis il y a eu le pardon et la réconciliation ; les criminels ont été récompensés pour leur repentir, ils ont la priorité sur tous et tout, et ainsi de suite, ils sont devenus riches ? Et les jeunes qui n’ont pas pris le maquis, les fils de famille, les honnêtes gens qui faisaient la chaîne, attendant leur tour pour un travail et un logement décent, de ceux-là, les problèmes se règlent au compte-gouttes. Ceux-là disent “Edoula etchehed bel kazoul”.
Cela est tellement vrai, Monsieur le Président, que nous-mêmes, les parents, arrivons à penser comme eux : “L’État ne se plie que devant la force.”
Quelles interprétations peuvent donner nos jeunes et les parents à tous les vols et détournements qui se produisent dans notre pays ? Ces “milliards volés” : c’est l’argent du peuple et le peuple, ce sont les jeunes et nous, nous ne sommes que des invités chez eux, le pays leur appartient ; car ce sont eux le présent, ce sont eux l’avenir. Nous sommes le passé. Alors cher frère, avant le grand voyage, un départ sans retour, tant que nous sommes encore vivants, à l’espoir de notre jeunesse, rendons justice. Où sont les promesses que vous leur avez faites pendant la campagne électorale puis à votre élection à la magistrature suprême du pays ? Bien sûr, vous avez fait beaucoup, mais si peu, car vous n’avez pas été au crucial : nos jeunes sont impatients comme tous les jeunes ; imaginez toutes les belles filles de notre pays qu’ils rêvent d’épouser et qu’ils ne peuvent le faire “faute de travail et de logement” ! Vous imaginez le complexe du jeune devant sa bien-aimée ne pouvant la satisfaire ? Dans ces conditions, le jeune devient une bombe prête à exploser à tout instant. Jusqu’à quel âge peut-on dormir seul dans un coin ou avec une marmaille de frères et sœurs, dans la même pièce ? Jusqu’à quel âge peut-on accepter de recevoir l’argent de poche de sa mère, qui le prend sur l’argent du pain quotidien ?
Jusqu’à quand ? Quelles sont les limites de la souffrance en l’an 2011 ? Les jeunes ont commencé par jeter des bouteilles à la mer SOS, Help. Puis, ils ont décidé de se jeter eux-mêmes à la mer, sur des radeaux de fortune ! Aucune terre hospitalière en vue, à l’horizon que des requins. Alors les jeunes sont devenus des kamikazes, se faisant sauter avec des ceintures d’explosifs ! Ayant vu que cela ne menait à rien, ils viennent s’immoler par le feu devant les yeux de l’état et les caméras TV. Jusqu’à quand cela va-t-il continuer ainsi ? Monsieur le Président et cher frère, l’incompétence est criante ! Que ceux qui gèrent le pays assument ou qu’ils s’en aillent. Mon père est un chahid. De son vivant, il avait laissé une recommandation : “Si je venais à mourir, dites au Président de l’Algérie de prendre en charge mes trois garçons et qu’il en forme un dans l’Armée de terre, l’autre dans l’Armée de l’air et le troisième dans la Marine, pour qu’ils puissent défendre notre pays à tous les niveaux.” Que dire, ces garçons n’ont même pas terminé leur cycle scolaire… Il en va ainsi, l’esprit des morts survit dans la mémoire des vivants. Quant à moi, ancien moudjahid, membre de l’ALN, j’ai deux garçons : aujourd’hui l’un est policier, l’autre est parmi les manifestants. Et lorsque je veux défendre les bienfaits de l’état, que voulez-vous que je réponde lorsqu’il me dit : avec l’argent volé par les responsables de l’état, durant le mandat de Bouteflika, on aurait pu construire une nouvelle ville où tous les jeunes, filles et garçons, iraient travailler et habiter ! Sous quelque gouvernement que ce soit, la nature a posé des limites au malheur des peuples. Au-delà de ces limites, c’est la mort, ou la fuite, ou la révolte. “C’est le suicide, les haragas, ou l’émeute.” Nous sommes à l’étape de l’émeute, ne faites pas comme Djeha qui a dit : le feu est chez les autres, il n’est pas chez moi. S’il est chez nous Monsieur le Président. Alors Monsieur le Président, faites la lumière à ce peuple, pour qu’il puisse aller au bout des certitudes.
Chabane Nouredinne *Ecrivain et Moudjahid
BP. 255, El-Madania (Alger)
Chabane.nordine@yahoo.fr
11 juin 2011
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