Edition du Samedi 05 Février 2011
Des gens et des faits
L’Algéroise
La nouvelle de Yasmine Hanane
Résumé : La famille de Nadjette est honorée par la demande en mariage de Rachid. Fettouma, en bonne mère de famille, avait elle-même formulé la demande selon les normes des traditions. Mais elle regretta ouvertement que Mahmoud ne soit plus là en ce grand jour.
73eme partie
Fettouma s’interrompt. Le moment était mal choisi pour poser la question, mais la phrase lui avait déjà échappé des lèvres.
- Oui, ma bonne dame. Y a-t-il quelque chose qui vous tracasse ?
Fettouma secoue la tête :
- Non, je voulais seulement savoir, si par hasard, vous n’aviez pas rencontré Mahmoud au maquis. La plupart des moudjahidine de la ville se connaissent.
Si Abdelkader hoche la tête :
- C’est fort possible. Rappelez-moi le nom de son père ?
- Si Tayeb, Si Tayeb D., il était commerçant de tissus à la basse Casbah.
- Si Tayeb ?
- Oui . Vous le connaissez ?
- Vous parlez bien du marchand de tissus de la rue N. Celui qui avait aussi racheté la bâtisse de Si Lakhdar et ses magasins.
- Tout à fait. Vous connaissez donc Si Lakhdar, et mon beau-père ?
- Et comment !
- J’ai connu Si Tayeb alors que je n’étais qu’un gamin. J’accompagnais à l’époque souvent mon père pour des transactions commerciales. Mon grand-père nous accompagnait parfois. Mais il prenait de l’âge, et avait fini par abandonner la partie à son fils. Mon père m’initia donc de son côté à ce métier, et c’est comme ça que j’ai eu à rencontrer les plus grands commerçants de la ville. Et puis il y avait Mahmoud.
Fettouma sentit son cœur rater un battement :
- Vous avez connu aussi Mahmoud, s’exclame-t-elle ?
- Bien sûr. Il était tout jeune lui aussi.
- Où ? Où l’avez-vous rencontré ?
- D’abord dans les magasins de son père, puis au maquis.
- Ah, je me disais que le monde était petit.
- Oui, le monde est même très petit, Mahmoud était un valeureux combattant. Il est mort les armes à la main. Tout ceux qui l’ont connu, reconnaissent en lui la bravoure et le courage d’un véritable patriote.
Les larmes coulaient maintenant sur les joues de Si Abdelkader, et Fettouma refoula les siennes de justesse, mais se moucha plusieurs fois. Les autres gardaient un silence sacré.
Chacun ressentait au fond de lui-même un mélange d’amertume et de fierté.
- Ainsi donc, nous serons liés à la noble famille de Si Tayeb. Je suis encore plus heureux d’apprendre que Rachid n’est autre que le fils de Mahmoud. Comme le hasard fait bien les choses !
- Oui, nous sommes tous liés à ce sort que chacun de nous hérite dès sa naissance, mon brave homme, lance Fettouma, l’œil triste.
La mère de Nadjette qui avait préféré garder le silence jusque-là, se lève pour reverser du café dans les tasses de ses invités, puis reprend sa place avant de lancer :
- Nous pouvons d’ores et déjà nous considérer comme une seule et même famille.
(à suivre)
Y. H.
11 juin 2011
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