Edition du Dimanche 30 Janvier 2011
Des gens et des faits
La voleuse
La nouvelle de Adila Katia
Résumé : Djamel a été emmené à l’hôpital. Sa famille ne peut pas rester à son chevet. Tous reviennent le lendemain matin. De nouveau conscient, Djamel prend une grave décision, punissant sans le vouloir sa mère. Il partira loin d’elle…
39eme partie
-Tu n’as jamais voulu me croire quand je te disais que c’est une sorcière ! crie Chafika à son mari. Elle m’a volé mon fils !
Je ne le verrai même pas mourir !
- Il a pris sa décision ! dit El Hadj Tewfik, aussi bouleversé et déçu qu’elle. On ne peut rien faire qu’espérer qu’il revienne sur sa décision.
Mais Djamel n’en avait aucunement l’intention.
Le jour même, il prend son dossier médical et s’envole pour Oran. Un ami a bien voulu lui prêter sa villa. Sihem et le bébé le rejoindront dès que possible. Sihem tenait à être près de lui même s’il le refusait. Elle comprenait qu’il veuille mourir seul, pour ne pas voir la souffrance des siens et la pitié de ses connaissances.
El Hadj Tewfik passe la voir, chaque jour que Dieu fait, pour avoir des nouvelles de son fils. D’après celle-ci, il va bien.
- Au téléphone, il m’a paru normal, même très serein, lui affirme Sihem.
- Quand pars-tu le rejoindre ?
- Dans un jour ou deux.
El-Hadj voudrait les accompagner, mais sa belle-fille refuse.
- Djamel a été ferme ! Il ne veut voir personne.
- Mais lui et moi, on s’est toujours bien entendus ! lui rappelle-t-il.
- Il vous appellera s’il a envie de vous voir. Inutile de le contrarier. C’est mauvais pour lui.
- On sait qu’il va mourir. Comment feras-tu après ? Il y aura les tracas administratifs.
Mais Sihem sait tout cela. Si Djamel l’avait voulu, il serait resté à Alger. Sa famille aurait pu assister à sa mort et prendre tout en main. À force de se quereller avec sa mère, il avait décidé de mourir loin d’elle.
- Pourquoi ne lui parles-tu pas ? Malgré tout, on l’aime ! Si tu le voulais vraiment, tu pourrais l’amener à de meilleurs sentiments. Sihem promet d’en parler à son mari. Le jour même, elle peut prendre son congé.
Son responsable connaît aussi Djamel et a proposé de les aider. Sihem lui demande s’il connaît quelqu’un à l’hôpital d’Oran. Il lui glisse un nom et un numéro de téléphone dans son sac à main. Elle passe chez elle, prendre ses affaires et son bébé. C’est son beau-père qui l’emmène à l’aéroport. Une énième fois, il la prie de ramener à la raison et à la maison son unique fils. Ses sœurs, à qui il avait appris la nouvelle, étaient en route sur Alger. Il n’avait pas osé leur dire que Djamel était parti pour mourir loin d’eux.
Il n’en avait pas eu le courage et la force morale pour avouer qu’ils l’avaient perdu avant que son heure ait sonné.
Djamel s’est installé dans la villa de son ami, à moins d’une demi-heure de l’aéroport. Il était souffrant quand ils arrivèrent. Il ne peut même pas se lever pour les accueillir. C’est un médecin qui leur a ouvert.
- Pourquoi ? demande-t-elle. Il y a des moments où il paraît comme nous tous, puis d’autres où j’ai l’impression qu’il va nous quitter !
- Il ne devrait pas être ici, dit le médecin.
Son état est trop grave pour être négligé… Il a besoin de soins permanents.
- Il ne veut pas mourir à l’hôpital. Je suis infirmière. Je pourrais lui faire ses injections, répond Sihem. Vous comprenez ?
Sa famille et moi respectons ses dernières volontés.
- Vous n’aurez jamais dû accepter de le laisser partir, loin des siens, lui reproche le médecin. Vous auriez dû le retenir. La phase terminale est faite de moments très pénibles à vivre, tant la douleur du malade est insupportable à voir ! Sa famille vous aurait été d’un grand secours. Sihem se rappelle, sans joie, les derniers mois qu’a vécus sa mère. Elle n’a pas oublié les fois où elle priait Dieu d’abréger ses souffrances et les siennes, car elle n’en pouvait plus. Elle savait qu’il lui sera insupportable de voir Djamel souffrir.
Elle voulait bien de quelqu’un pour l’aider. Mais sachant qu’il n’en avait plus pour longtemps, elle préférait se passer des autres et le garder rien que pour elle.
Ils partageraient tout, jusqu’au bout.
(À suivre)
A. K
11 juin 2011
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