Edition du Samedi 04 Décembre 2010
Culture
“Il pique, mais il est très gentil… ”
Boudjedra présente son dernier roman “Les Figuiers de Barbarie”
Par : K. Tighilt
Une rencontre avec l’écrivain Rachid Boudjedra portant sur le thème “L’univers littéraire dans l’œuvre boudjedranienne” a été organisée par l’association culturelle Ad yemghi ad Iban, à la maison de la Culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou (salle du petit théâtre).
Un engouement peu intéressé — quelques dizaines de personnes étaient présentes — mais “suffisant”, dit le conférencier qui a présenté à cette occasion son livre les Figuiers de Barbarie. Un livre à travers lequel il pose la problématique de l’écriture de l’histoire. À la question d’un intervenant sur le pourquoi du titre les Figuiers de Barbarie, une plante épineuse, croissant sur des terres arides et brûlantes, importée d’ailleurs par les Turcs, et non celui des figues sèches, par exemple, qui sonne plus algérien, Boudjedra réplique : “Il pique, mais il est très gentil, car mélancolique… ” (allusion au figuier de Barbarie). À propos de l’écriture, pour l’invité de la Kabylie, elle reste un style, une structure, des va-et-vient, à travers le roman, à la manière de la mémoire, pour revenir ensuite à un point de départ. L’écriture algérienne étant pour lui structurée suivant une forme littéraire classique établie avec un début et une fin, sans rotation, Boudjedra dit adopter une écriture autre, observée après 1910, comme avec l’écriture de William Faulkner, James Joyce… dont la fin n’est en fait qu’un autre commencement. “Chez nous, on adosse plus le roman à l’histoire. J’ai dénoncé la terreur française de 1830 à 1962, avec une autre façon, par la correspondance des personnages, les généraux français et leurs familles. Une manière aussi de prendre position, étant hanté par l’assassinat d’Abane Ramdane à Tétouan (au Maroc) par ses camarades. Je crois que c’est là que tout a commencé, au Congrès de la Soummam, où l’on ne pouvait pas tolérer la primauté du politique sur le militaire, de l’intérieur sur l’extérieur et moins encore une république laïque. L’origine des maux.” Toujours dans le rapport écriture/histoire, il ajoute : “C’est le 8 mai 1945 qui a fait Kateb. Avec l’histoire, on évite la politique immédiate.” À propos de Kateb Yacine, Boudjedra dit qu’il avait souhaité écrire Nedjma, mais cette œuvre reste unique. “Le Polygone étoilé n’est qu’une imitation de Nedjma.” Pour le conférencier, le roman est une chose qu’on vit au quotidien, beaucoup de rien, de faits, d’insultes… “J’écris pour ne pas mourir et pour ne pas perdre mon souffle, étouffé comme Abane, à chaque fois qu’une volonté intérieure d’autocensure m’interpelle, c’est là que je redouble d’efforts et que j’accentue sur le sujet. Toutes les sociétés sont hypocrites, même la mienne, mais je l’aime bien. H’na y’moute Qaci (je reste ici, ndlr). Je n’ai jamais quitté le pays. Je suis parti de1970-1975 et je suis revenu à la demande de Boumediene, pour écrire les Années de braise.” Boudjedra avait fait une fresque, un va-et-vient à travers l’histoire, la sienne, le roman, le quotidien, la Chine, l’Allemagne et le Japon. Des anecdotes sur un fond rouge de la salle du petit théâtre Mouloud-Mammeri.
10 juin 2011
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