Edition du Lundi 24 Janvier 2011
Des gens et des faits
La voleuse
La nouvelle de Adila Katia
Résumé : Chafika serait restée encore quelques jours si ce n’était son mari qui tenait à rentrer à la maison, uniquement pour qu’il n’y ait pas de problèmes entre eux. Malgré leurs promesses, Djamel et sa famille ne viennent pas les voir. Un jour, ils apprennent que Djamel est à l’hôpital.
35eme partie
-Qu’est-ce que tu fais ici ? Je ne comprends rien à ce que tu viens de dire ! s’écrie Chafika, énervant Djamel, sans le vouloir, sans s’y attendre.
- Il faut toujours que je me répète avec toi, rétorque-t-il, le visage blême. C’est à croire que tu adores me contrarier et me faire souffrir. Tu ne comprends jamais rien ? Explique-lui, dit-il à son père avant de les laisser pour aller s’asseoir sur un banc, à l’intérieur de l’hôpital.
- Mais de quoi parle-t-il ? demande-t-elle à El-Hadj alors qu’il n’avait pas encore digéré la nouvelle. Le vieil homme avait l’impression que le ciel lui était tombé sur la tête. Comme son fils l’avait dit, le pire était à venir.
- Il a un cancer du foie, lâche-t-il. Tu comprends ? Notre fils va mourir, ajoute-t-il avant de se mettre à pleurer. On va le perdre. Mon Dieu, pourquoi ?
Pourquoi lui, pourquoi pas moi ?
- Ce n’est pas possible ! dit Chafika.
Pas un cancer.
Lorsqu’elle voit Djamel se tenir la tête entre les mains, elle ne sent plus son cœur battre.
- Non, souffle-t-elle en se dirigeant vers lui, en traînant les pieds tant ils lui semblaient lourds. Pas ça… Djamel, mon fils chéri ! Mon fils adoré !
- C’est étrange comme ces mots sonnent bizarrement sortant de ta bouche, remarque son fils en reniflant. J’ai l’habitude de t’entendre crier pas des mots doux, tu m’étonnes !
- Tu sais que je t’aime ! Ma vie a toujours tourné autour de toi, réplique-t-elle. Ne me dis pas que tu l’ignores ?
- Tu as ta propre façon de montrer son attachement. Je… je ne sais pas quoi te dire.
- Depuis quand le sais-tu ? l’interroge-t-elle.
- Il y a quatre mois, dit-il. Inutile de te fâcher…Je refusais que vous souffriez avec moi.
- Mais nous sommes tes parents et nous avons le droit de savoir ! Et puis, elle aurait pu nous mettre au courant, cette…
Chafika retient le qualificatif qu’elle allait attribuer à sa belle-fille. Elle analyse la situation et pour elle, il est évident que Djamel n’a pas le cancer. Sihem n’avait pas cessé de l’empoisonner avec ses philtres pour qu’il l’aime et reste avec elle. Elle la tenait pour responsable du mal dont souffrait son fils. Elle ne se faisait aucun doute sur son origine.
- C’est moi qui lui ai demandé de ne rien te dire, pas même aux filles ! dit-il.
Lorsqu’elles étaient venues pour fêter la naissance de Mourad, je le savais déjà et quand je souffrais, je prétextais être de garde pour pouvoir m’isoler. Je me faisais soigner.
- Tu souffrais seul.
- Personne ne peut me soulager, murmure Djamel. Le traitement ne donne plus de résultat. Je vais rester à l’hôpital. Je ne veux pas qu’on me voit souffrir. Je ne le supporterai pas.
- Tu parles comme si la mort…
Djamel ne laisse pas sa mère terminer sa phrase. Il prend sa main et la serre très fort. Il ne cache plus ses larmes, bouleversant ses parents, les torturant sans le vouloir.
- Elle est en moi, dit-il. Elle grignote chaque jour un peu de ma vie. Elle ne me laisse aucune chance.
- Je refuse d’en entendre davantage ! crie presque son père. Je refuse…
- Pourtant il le faudra. Il faut bien que quelqu’un accomplisse mes dernières volontés. Vous me devez bien ça, rétorque Djamel en prenant son père par les bras. C’est moi qui vais mourir, pas toi, pas vous.
(À suivre)
A. K.
10 juin 2011
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