Edition du Dimanche 24 Octobre 2010
Culture
Michèle Alliot-Marie
…PORTRAIT…
Par : Hamid Grine
Quand on rencontre pour la première fois Michèle Alliot-Marie, on pense à tout sauf à des galipettes sur l’herbe. Ce n’est point le titre de ministre de la Justice qui en impose, mais la femme. Droite dans ses bottes, le regard d’une mère supérieure d’un couvent, on pourrait penser que la voix et
le verbe sont rêches comme ceux d’un caporal. Eh bien non. Il suffit qu’elle parle pour qu’on oublie et la mère supérieure et le caporal. C’est bien à une femme comme les autres qu’on a affaire. La voix douce posée, le verbe aimable, on oublierait presque que c’est un grand fauve de la politique. Et que sur son chemin, il n’y a pas que des roses. Sans doute quelques échines brisées et quelques victimes. On ne fait pas de la politique avec de bons sentiments. Elle parle et elle écoute. On sent chez elle une vraie empathie. On a presque envie de se confier à elle tant elle inspire confiance. Mais lui dire quoi ? Qu’on aimerait la transférer ici en Algérie à un poste de premier plan ? Impossible. Nous avons, c’est entendu, les meilleurs ministres. Et les plus beaux aussi. Alors que lui dire ? Une consœur, plus inspirée que moi, a lancé : “On souhaiterait vous voir bientôt Premier ministre !” M. A.-M. plissa sa bouche dans un sourire gourmand et laissa tomber sur le ton de la confidence : “Je l’ai été pendant 24 heures du temps de Chirac avant que…” Avant que quoi ? Elégante, elle ne dira pas que les jeux de coulisse ont eu raison d’elle. Mais on a compris. M. A.-M. ou l’art de suggérer les réponses. Du grand art. Une autre renchérit en évoquant l’expérience d’Édith Cresson, première femme Premier ministre en France. Et cette bonne âme d’ajouter : “Franchement, elle a desservi l’image des femmes à ce poste… Elle nous a même fait reculer…” La perche était tendue à Madame la ministre de la Justice. Va-t-elle la saisir pour taper sur la pauvre Cresson qui a été malmenée aussi bien par la presse que par les membres du gouvernement qu’elle dirigeait. M. A.-M. sourit. Ce n’est pas son style de tirer sur une ambulance. Mais à son sourire, on avait compris ce qu’il y avait à comprendre. Qu’à l’une manquait un cheveu qu’elle avait, Elle. Ce cheveu qui fait la différence en politique entre un homme d’État et un homme tout court. Définition très subjective. Un homme d’État ne court jamais. On court vers lui. Un homme tout court court comme un fou sans atteindre l’état de grâce qui fera de lui, à la longue, un homme d’État. Et puis voilà qu’un autre lui assure qu’elle allait donner de l’épaisseur au poste de Premier ministre. De l’épaisseur ? Quelle goujaterie ! M. A.-M. est aussi mince qu’un couteau. L’épaisseur, il faut la chercher ailleurs. Chez d’autres ministres aussi bedonnants qu’essoufflés. Maintenant, si on parle d’épaisseur politique, on dira qu’elle apportera la caution des chiraquiens et le parcours sans faute d’une femme qui ne défraie pas les chroniques de la presse people. Discrète, besogneuse, M. A.-M. a le sens de l’État. Où qu’elle soit. Françoise Giroud a écrit un jour que pour être l’égale d’un homme dans un poste, la femme doit en faire plus deux fois. M. A.-M. en a fait trois fois plus au poste de ministre de la Défense en sautant à trois reprises de dix mille mètres d’altitude en parachute ! Elle a eu peur et même beaucoup. Mais elle a dompté sa peur, car elle savait que les regards des hommes étaient braqués sur elle. Et qu’on ne lui pardonnerait rien. En se lançant dans les airs, elle avoue qu’elle a connu un sentiment de liberté et de plénitude totale. Il lui reste à connaître l’ivresse du poste de Premier ministre. Mais là, c’est un vol sans parachute. Mais un vol si beau qu’il mérite qu’on se casse le cou si on doit tomber. Mais comme toute femme sûre de sa destinée, M. A.-M. pense sans doute qu’elle est capable d’avoir des ailes à ce poste…
H. G.
hagrine@gmail.co
5 juin 2011
Contributions