Coup de cœur |
Noir et blanc |
Mustapha Mohammedi |
Liberté : 26 – 05 – 2011 |
Il faut sortir d’Oran pour se rendre compte qu’il existe une autre manière, une bien meilleure manière de vivre. Dans les bourgs où on ne s’arrête pas, dans les villages dont on a presque perdu le nom, dans les hameaux qui ne paient pas de mine et qui sentent la campagne.
On ne risque pas de se perdre dans ces havres de paix, il n y a pas de plaques de signalisation, pas d’adresse et rarement des enseignes.Tout marche au ralenti et au rythme des saisons. Les heures coulent sans faire de vagues comme des ruisseaux au printemps . On ne se bouscule pas au marché, on prend son temps.
Il n’y a pas de feux rouges, il n’y a même pas de dos d’ânes ou si peu… On ne fait pas la chaîne chez le boulanger, il y a du pain pour tous. Il n’y a pas de cybercafé, pour se défouler les jeunes jouent au ballon au milieu d’un champ parmi les badauds. On ne respire pas l’air pollué des grandes villes et la fumée de leurs usines. Chez l’épicier, on fait partie en général des rares clients de la matinée et même s’il chasse les mouches le reste de la journée, il est toujours prêt à rendre service aux automobilistes qui tombent en panne ou aux étrangers qui demandent leur chemin. C’est la mémoire de l’agglomération, le brave homme, un état civil. Il connait les morts, les ancêtres, les nouveaux-nés, les familles qui comptent, les notables, les alliances, les chômeurs, les émigrés, les veuves, les filles en âge de se marier. C’est une grande famille ces villages. Au bureau de poste, tout le monde connaît tout le monde, les employés appellent les clients par leur prénom et les clients répondent aux employés par leur petit nom. Sans chichis, à la bonne franquette. Quand les citadins qui habitent des ensembles sans âme dans des villes sans espoir feront l’effort de s’inquiéter du sort de leur voisin de palier dont ils ignorent souvent jusqu’ au nom de famille, ils pourront être sûrs que la qualité de la vie est en train de s améliorer. Un coup de cœur vaut mieux qu’un coup de peinture.
5 juin 2011
M. MOHAMMEDI