Durant ces dernières décennies, en matière d’hygiène, de soins et de conditions de vie sociale, les avancées médicales et sociales ont permis aux personnes âgées algériennes de bénéficier d’une longévité, à condition de vie égalée, similaire à l’espérance de vie des citoyens des pays occidentaux
(en Algérie l’espérance de vie est passée de 50 ans en 1962 à 76,3 ans en 20101). Cependant, cette longévité reste fragile, elle peut baisser dans les années à avenir si les autorités concernées ne mettent pas un plan national des personnes âgées dépendantes. De plus, cette longévité n’a pas été accompagnée par les moyens correspondants et adéquats au niveau juridique et institutionnel, et précisément sur le plan médico-social. Il est impensable qu’à ce jour en Algérie, il n’y a pas de services de gériatries dans nos hôpitaux ! De plus, les maisons de retraites sont devenues comme des orphelinats pour des personnes âgées dépendantes. Et pourtant, c’est le secteur qui peut être porteur à plusieurs niveaux : emplois, recherche, qualité de vie, solidarité nationale, etc. Notre objectif est de soulever la misère sociale et médicale auxquelles se heurtent au quotidien nos «chibanis », loin du discours imprégné d’émotions éphémères. En 2005, l’Algérie compte 3 700 000 retraités, selon les chiffres de la Caisse nationale de retraite (CNR), et si nous considérons que toute personne à la retraite est une personne âgée (c’est un autre débat) et en conséquent celle-ci risque d’être dépendante à certain seuil. Ainsi, si 1/3 de cette population est dépendante, c’est-à-dire 1 200 000 personnes, et si nous voulons les accueillir convenablement, nous serons dans l’obligation de créer plus de 21000 maisons de retraite médicalisées (Je propose d’utiliser centre d’accueil pour les personnes âgées dépendantes) d’une capacité de 100 personnes pour chaque maison. De plus, il faut au minium 70 000 aides soignantes et 42 000 infirmières, sans oublier les gériatres, les médecins, les neuropsychologues, les orthophonistes, les restaurateurs, etc. Toute cette masse salariale pourrait répondre à la demande de cette catégorie sociale.
Dans quelles conditions les reçoit-on ?
Lorsqu’une personne âgée se plaint d’une douleur ou d’une maladie, elle consulte un médecin généraliste ou des spécialistes soit dans des cliniques privées où elle s’oriente vers les CHU. Dans le cas d’hospitalisation souvent elle est reçue, pour un premier contact, dans les services d’urgences, pour une durée limitée, qui pourrait être justifiée. Or, elle nécessite un suivi permanant. Quand il s’agit d’une démence, il n’y a aucun service qui pourrait la prendre en charge. Car la durée d’une prise en charge d’une personne démente n’est pas limitée dans le temps, c’est-à-dire une hospitalisation peut durer plus de deux ans. Imaginant, les répercussions de cette prise en charge en hôpital et dans un service d’urgence. D’où l’importance de la création en premier lieu de services de gériatrie, à l’exemple des services de pédiatrie pour les enfants, et en suite elle sera orientée vers des centres d’accueil pour personnes âgées dépendantes, avec du personnel qualifié à sa spécificité.
Qu’en est-il des maisons d’accueil des personnes âgées en Algérie ?
Certes, dans la culture algérienne, mettre un parent dans une maison de retraite est ressenti comme un abondant du parent. Ainsi, comme je l’ai souligné plus haut, je propose une dénomination moins culpabilisante pour les proches, centre d’accueil pour les personnes âgées dépendantes. Car le sentiment d’abondant s’accompagne souvent d’une culpabilité, qui forcement engendre une violence, sous toutes ses formes, soit intrinsèque (envers soi-même) ou extrinsèque (à l’égard de l’autre). Cette situation a été déjà vécue dans les années cinquante dans les pays européens où des proches refusaient de mettre leurs parents dans des maisons de retraite parce qu’ils éprouvaient ce sentiment d’abondant et en l’occurrence la culpabilité. Dans le même ordre d’idées, la loi qui pénalise les proches qui abandonnent leur parent renforce cette culpabilité. Souvent ces proches sont impuissants devant les comportements d’un parent âgé dément (autonomie, les capacités cognitives, etc., qui s’atrophie avec l’âge). En outre, un aménagement du lieu, des outils (des couches à 1500da (2 par jour), un lit adapté, etc.) et un accompagnement au quotidien. D’où la nécessité d’une prise en charge digne, dans un lieu médicalisé qui serait encadré par une équipe pluridisciplinaire compétente.
Le nombre des maisons de retraites en Algérie sont très réduites, elles se trouvent souvent dans les grandes villes (Alger, Constantine, Oran, etc.). De plus, elles sont destinées aux personnes âgées abandonnées. Un débat public sera porteur d’un éventuel changement du regard de la société à l’égard de ces milieux médicalisés.
La retraite en Algérie
C’est un sujet qui devrait préoccuper les Syndicalistes Algériens autonomes ou non-autonomes, car la situation des retraités algériens est alarmante et très fragilisée d’où l’urgence de revoir l’ensemble des réglementations juridiques en lien avec la retraite. Les retraites à moitié de Smig en 2011, c’est-à-dire à 6000 da, c’est de la maltraitance exercée par l’état à l’égard de cette population. A terme, le statu quo des personnes âgées en Algérie est en situation critique. D’une part les retards accumulés au niveau juridique, pension, soin, prise en charge et d’autre part la place qu’il occupe dans la société. Un débat publique est primordial afin de s’organiser et de mettre en place une stratégie d’action commune. Mettre à niveau les lois, une pension respectable, des soins adéquats et enfin les modalités de financement de ces retraites.
* Neuropsychologue
1 Selon l’ONS, Cf.TSA du 24-05-11.
26 mai 2011
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