Changer la Constitution peut être utile. Respecter la Constitution est toujours utile. Et indispensable.
Et si le diagnostic n’était pas bon ? Et si la crise algérienne avait d’autres causes, et demandait une autre médication que celle préconisée par les autorités algériennes? Le président Abdelaziz Bouteflika a décidé d’engager un dialogue qui devrait déboucher sur une nouvelle constitution et de nouvelles lois, notamment celles sur les partis et sur l’information. Une fois ces textes adoptés, l’Algérie est supposée se trouver en ordre de marche pour engager de nouvelles batailles et conquérir de nouveaux horizons. Mais si, comme par le passé, il s’avérait que le mal n’est pas dans la constitution ni dans lois ? Et si l’Algérie souffrait d’autre chose, qui nécessite d’autres démarches de sortie de crise ?
Si tel était le cas, l’Algérie se trouverait engagée dans une aventure hasardeuse qui lui ferait perdre beaucoup de temps et d’énergie. Elle va débattre de faux problèmes, pour aboutir à de vrais consensus sur de fausses solutions. C’est, du reste, la voie dans laquelle s’est engagé le pays depuis des années, et dont il n’arrive plus à sortir.
Tout semble indiquer que le nouveau dialogue prend le même chemin. Il est initié par le même pouvoir, qui a remis en selle les mêmes personnes, qui vont recevoir les mêmes interlocuteurs, selon les mêmes méthodes. Tous les dialogues antérieurs ainsi menés ont débouché sur le même résultat. Ils ont permis de régler, de manière temporaire, la question du pouvoir. Ils n’ont pas réglé ceux du pays.
Les élections non plus n’ont pas débouché sur des formules de sortie de crise viables. Qu’il s’agisse d’élections présidentielles, législatives ou locales, elles ont toujours donné lieu à un phénomène de cooptation validé formellement par l’urne. La répétition de ces opérations politiquement stériles a même fini par dévaloriser un acte politique fondamental, le vote.
Toutes ces expériences répétées, qui ont toutes mené à l’impasse, devraient amener l’Algérie à se poser des questions. N’est-il pas temps de changer d’approche, d’explorer de nouvelles pistes pour aller à de nouvelles solutions ? Pourquoi plus on parle de démocratie, moins on en voit ? Pourquoi les médias, et notamment les télévisions, explosent dans le monde entier, alors que l’Algérie reste un désert télévisuel ? Pourquoi la corruption s’étend à une échelle vertigineuse malgré les lois et les déclarations d’intention ?
Poser ces questions, c’est déjà apporter un début de réponse. Car on découvre rapidement qu’n Algérie, le le problème n’est pas dans les textes, mais dans le rapport du pouvoir et de ses hommes à la loi : le pouvoir ne respecte pas la loi. Il est au-dessus. Il pense en être dispensé.
Quant aux textes, on peut leur faire dire ce qu’on veut. Y compris les faire mentir. La constitution actuelle, malgré ses quelques petits travers et malgré un recul par rapport à celle de 1989, est dans l’ensemble acceptable. Elle admet le pluralisme politique, établit une séparation des pouvoirs, institue l’indépendance de la justice, et reconnait la liberté de pensée et d’expression. Ce sont les grands principes qu’on retrouve dans les constitutions dites démocratiques.
La loi sur les partis, malgré les restrictions qu’elle impose, donne aux Algériens la possibilité de créer des associations à caractère politique, et de militer dans la formation de leur choix. La loi électorale permet, en théorie, la compétition entre listes concurrentes, alors que la loi sur l’information est une des lois les plus ouvertes au monde.
Qu’a fait le pouvoir de ces textes ? Il a fait ce qu’il a voulu. Il n’a pas respecté la constitution dans de nombreux aspects, et il a tout simplement changé le texte pour permettre à M. Bouteflika de briguer un troisième mandat. Il a refusé d’avaliser la création de nouveaux partis et de nouveaux journaux, il a monopolisé les médias publics, alors que les élections n’ont plus rien de libre.
Changer la constitution et les lois aujourd’hui n’a guère de sens. D’ailleurs, pourquoi changer une constitution qu’on ne respecte pas par une autre qui, de toutes les façons, ne sera pas respectée ?
26 mai 2011
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