Le pétrole, puis les islamistes, puis le jasmin. Il s’agit de la liste des exportations arabes vers l’Occident. Le jasmin, c’est depuis peu : en Espagne, des milliers d’Espagnols occupent déjà une place publique au vieux Madrid,
la Puerta Del Sol, pour demander ce que nous demandons : logement et travail et espoir, sous le titre du best-seller de Stephan Hessel : « Indignez-vous ! ». Etrange scène de ce square Tahrir en remake. Cela fait sourire, plaisir, sentir et réfléchir. Et si, comme l’explique un ami, le printemps arabe n’est pas arabe uniquement ? Et s’il s’agissait d’un mouvement mondial, une époque qui est close partout et une ère de soulèvement de l’individu contre l’état des Etats ? Pont entre le monde de l’analogique (je suis comme ), au monde du numérique (Je suis.com). Ici chez nous, il s’agit de dictatures, là-bas « chez eux », il s’agit de non-gouvernance, de gouvernance par le lobby et plus par l’urne. Le jasmin est donc exportable, ainsi que le drapeau tunisien et Square Tahrir.
Une image ? Au siècle dernier, un homme a marché sur la lune ; pour ce nouveau siècle, tous les hommes veulent marcher sur la lune. Passons donc. L’essentiel est sous les yeux : les « Arabes » ne veulent plus vivre bêtement et mourir en roulant les pouces. Ils veulent vivre. Ici chez nous, les gens veulent être libres. Chez eux, les gens veulent faire quelque chose de leur liberté. C’est une humanité qui change et Internet est son prophète. Le visiteur de l’Occident, ces derniers temps, peut remarquer aisément que l’Occident, celui des peuples, pas celui des lobbys et des empires médiatiques, s’ennuie, se sent mal, cherche une nouvelle terre et ne supporte plus cet équilibre alimentaire entre le slogan de la démocratie et sa réalité marchande. Un scandale à la DSK réveille une sorte de dégoût et illustre un peu ce à quoi a été réduite la démocratie occidentale : un jeu de clans, d’institutions de façades, de calculs trop poussés, d’abus de pouvoirs et d’immoralisme. C’est le maître mot : l’Occident ne se sent plus moral. La crise économique mondiale n’est pas vécue comme le drame d’une entreprise qui ferme ou la chronique d’un licenciement abusif, mais comme l’échec d’un modèle de développement, de gouvernance et de rêve. On ne peut pas discourir sur le bouleversement climatique sans accepter l’idée que le « printemps » peut éclater n’importe où et sans jeu de mots. Quelque chose s’est déclenché et a déjà ses deux icônes : un homme se brûle pour protester. Il est tunisien et c’est surtout un chômeur. Un autre est accusé de viol ou presque. C’est un homme qui a un emploi qui gouverne tous les emplois du monde. C’est le patron du FMI. Le chômeur contre le patron. Le violé contre le violeur. L’immolé contre l’immolateur. Cela n’est déjà plus une affaire d’Arabes mais une affaire du monde entier. Les Espagnols de la Puerta Del Sol appellent çà la worldrevolution. Ils sont des milliers et on en parle peu en Occident. Là-bas, parfois, on ne tue pas les manifestants : on décide seulement qu’ils n’existent pas !
Dans la blogsphère, on s’amuse déjà : le mouvement du 15 mai espagnol prouve une chose : les Arabes sont de retour en Espagne, mais par la bonne porte et avec des fleurs. Des jasmins.
23 mai 2011
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