Le 14 janvier 2011, dans l’après midi, Zine el abidine Ben Ali, désormais ex-président de Tunisie prenait la fuite. Sur l’une des pistes du tarmac de l’aéroport de la base aérienne militaire d’El-Aouina, mitoyen de l’aéroport international Tunis Carthage, dans la banlieue Nord.
Le Bœing 737 à bord duquel avaient pris place Ben Ali, sa femme Leila Trabelsi, leur fils unique Mohamed Ezzine, 6 ans, et leur fille Halima 18 ans et son fiancé Mehdi Ben Gaied, attendait l’autorisation de décoller. A 17 heures 45 minutes l’appareil est autorisé. Le pilote met plein gaz, l’avion prend de l’altitude, et met cap à l’Est. Vers une heure du matin l’aéronef, atterrissait sur l’aéroport de Djeddah en Arabie saoudite. Fin d’une époque.
Le fuyard régnait sur la Tunisie depuis le 7 novembre 1987.Pour y arriver, il avait déposé, pour sénilité, le légendaire président du pays, Habib Bourguiba. Pour ce faire il réunit, très tôt le matin de ce 7 novembre, un collège de 7 médecins, les meilleurs dans leurs spécialités, sur la place de Tunis qui confirmeront l’inaptitude, de Bourguiba à diriger le pays. Fort de cette licence médicale, il fit alors, en toute légitimité, valoir l’article 57 de la constitution, qui prévoit entre autre, la vacance de la présidence de la république, en cas d’empêchement absolu de président, et l’investiture immédiate du président de la chambre des députés, pour assurer, son intérim. Depuis ce coup d’Etat, par d’aucun qualifié, d’intelligent ? Ben Ali s’était fait à chaque échéance élire, contre la volonté de la majorité des tunisiens.
Après avoir revendiqué tactiquement, à son bénéfice l’héritage de Bourguiba, pour ne pas avoir à gérer plusieurs fronts d’hostilité à la fois, et bien s’ancrer dans le pouvoir, il le niera progressivement. Il fera en effet, déboulonner la statue du fondateur de la Tunisie moderne, qui trônait sur une placette à l’entrée de l’avenue principale de Tunis, et de déplacer, hors de la capitale. Ce fort signal envers les tunisiens, annonçait dès lors son omnipotence. Habib Bourguiba qui avait conservé presque intacte, l’affection de la quasi majorité de ses concitoyens et l’admiration de toute l’élite tunisienne, soit issue de la Zeitouna ou bien du collège Saddiqi, avait présidé aux destinées du pays durant trente ans. Cependant, pas dans la même conjoncture, ni les mêmes conditions que son putschiste successeur. Il devint premier président du conseil le 6 avril 1956, c’est-à-dire, dès que l’autonomie interne est consentie par la France à la Tunisie, en 1955, et puis son accession à l’indépendance totale, le 20 mars 1956, juste après le Maroc, qui lui fut indépendant, le 3 mars de la même année.
Le 25 juillet 1957, le président du conseil écartera le dernier bey de la dynastie des husseinites de Tunisie, Lamine Bey, et proclamera la république dont il deviendra président, puisqu’il était le seul candidat. Lorsqu’il accéda au pouvoir, relate Monsieur Béchir Ben Yahmed, fondateur en 1961 de l’hebdomadaire Jeune Afrique, et qui fut son ministre de l’information :» Bourguiba avait 55 ans. Ses longues années de prison ou d’exil lui avaient permis de lire et de réfléchir. C’était en tout cas, j’en témoigne, un homme reposé et qui s’était miraculeusement préparé, physiquement et intellectuellement, à l’exercice du pouvoir. Et il ajoute, contrairement à la plupart des chefs d’Etats arabo-musulmans, il ne s’intéressait pas à l’argent, dont il se tenait à bonne distance. Là ou ces derniers faisaient éclore complots et trahisons, lui suscitait des innombrables fidélités et admiration».
A l’actif de Bourguiba, monsieur Ben Yahmed note :- la modernisation du pays,- la libération de la femme, dont profite encore une troisième génération en 2010. – la scolarisation obligatoire des garçons et des filles, qu’il chargera son premier gouvernement de généraliser, a atteint aujourd’hui un quasi 100%. Mais il conclut que, dix ans après la mort du président, la démocratisation du pays, n’avait progressée au même rythme que l’éducation et l’économie».
Dans le premier cabinet ministériel de l’indépendance de la Tunisie, figurait également, aux cotés de Béchir Benyahmed, en qualité de conseiller du président Bourguiba, un jeune avocat de trente ans, qui deviendra. Directeur de la sûreté nationale, puis ministre de l’intérieur, ensuite ministre de la défense, et enfin ministre des affaires étrangères, dans divers cabinets ministériels de bourguiba. Sous le règne de Ben Ali, il présidera la chambre des députés de 1990 à 1991.Il dira de cet intermède de sa carrière politique, dans une entrevue qu’il accordait à Jeune Afrique du 3 avril 2011, qu’il avait malgré lui accepté ce poste, mais qu’aujourd’hui il assumait. Et que lorsqu’on lui avait proposé de quitter l’Assemblée, pour le conseil constitutionnel, il avait répondu, qu’il ne cherchait pas du travail, et que s’ils voulaient sa place, ils pouvaient la prendre. Il s’agit de Monsieur Béji Caïd Essebsi, premier ministre du gouvernement provisoire tunisien, depuis le 27 février 2011, qui remplaça sous la pression de la rue tunisienne, l’ancien premier ministre, Mohamed Ghannouchi, qui servit dix ans, en cette qualité, sous le régime de Ben Ali. Dès sa prise de fonction, le nouveau premier ministre déclarait, «que son problème, et son défi majeur étaient de ne pas décevoir la confiance que les tunisiens lui concèdent».
En quoi faisant ? Pour ce faire, en dévoilant la feuille de route de son gouvernement, il avait le 4 mars 2011, insisté :
-1- sur le rétablissement de l’autorité de l’Etat, qu’il juge être la première priorité, considérant sa déliquescence, depuis la fuite de Ben Ali, qu’il n’avait pas hésité, d’ailleurs d’accuser de haute trahison. Et en conséquence, il oeuvrera à la restauration de la sécurité publique.
-2- sur la relance de l’économie, en apportant un appui aux industries qui exportent, en lançant une campagne de communication pour faire revenir les touristes, et notamment les algériens d’entre eux. En plus, et pour ce qui concerne les entreprises détenues par le clan Ben Ali-Trabelsi. Le premier ministre avait affirmé : «toutes celles qui appartenaient aux cent douze personnes que nous avons listées sont devenues propriété de l’Etat».
-3- sur la rupture avec l’ancien régime et avec ses symboles. Sans chasse aux sorcières dira, Béji Caïd Essebsi
-4- sur la préparation des élections des membres de l’assemblée constituante. Prévues pour le 24 juillet 2011, Elles seront ouvertes et sans exclusive, aux personnalités nationales, aux partis politiques et à toutes les composantes de la société civiles. Cette assemblée appelée à être plurielle et diverse, sera chargée de l’élaboration de la constitution de la future république tunisienne, d’après révolte. A ce sujet le premier ministre assure, qu’il y a des lignes rouges et qu’il sera d’une extrême vigilance, pour qu’elles ne soient pas franchies. « On ne touche pas, dira-t-il, à l’article premier de la constitution -celle du premier Juin 1959-, fruit selon lui, d’une alchimie toute bourguibienne». Effectivement, la force de cet article réside dans son ambiguïté, puisqu’il énonce : « La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain: sa religion est l’Islam, sa langue l’arabe et son régime la république»
Selon les constitutionalistes, l’ambivalence de cet article réside dans la difficulté, de déterminer le sujet auquel est adressée, l’affirmation de :» sa religion est l’Islam». Concerne-t- elle, la Tunisie ou bien l’Etat.
Mais en attendant que se passe-t-il réellement aujourd’hui, en Tunisie ? Comment les tunisiens vivent-ils, depuis leur révolte ?
Depuis le 17 décembre, jour de l’immolation de Mohamed Bouazizi, dans la ville du centre de la Tunisie, de Sidi Bouzid, et ensuite son décès à l’age de 26 ans, le 5 janvier 2011 à l’hôpital de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arrous, banlieue Sud de Tunis .Il y eut, ce que les spécialistes appellent, l’effet papillon, qu’ils définissent par cette métaphore interrogative : « un simple battement d’ailes d’un papillon peut-il déclencher une tornade à l’autre bout du monde» ? Il semble bien que dans le cas tunisien, ce fut le cas.
La Tunisie souvent décrite, comme un havre de paix, connut dès lors, des incidents, de banditisme, de vols, de saccages, de troubles à l’ordre public, et notamment, chose peu usitée sur cette contrée, des actes de défiance à l’autorité de l’Etat. Sont également apparus avec flagrance, le déséquilibre dans le développement régional, entre la Tunisie utile et celle des laissés pour compte, la fragmentation du paysage politique, due à son immaturité et aussi, des grèves à répétition. Cependant ce qui interpelle depuis la révolte, c’est la Harga massive des jeunes tunisiens, vers l’Europe, via l’île italienne de Lampedusa, où selon des statistiques de médias, ils sont 4752 à y être parvenus. Mais, plusieurs candidats à l’exile européen, périr en mer durant ces aventureuses traversées. Cette tragédie humaine causa une mini crise entre la France et l’Italie. Le gouvernement français avait même, un moment, envisagé de remettre en cause le traité de Schengen, qui avait instauré l’ouverture des frontières des pays signataires, dont la France et l’Italie. Toute cette kyrielle de dysfonctionnements est, depuis le 15 janvier reliée en force par des médias en état d’euphorie, qui divague et souvent déraillent, en croyant introniser la liberté de la presse et instaurer la liberté d’opinion. Retrouver, en effet, d’un coup la liberté d’expression et la libre parole, après cinquante cinq ans de bâillonnement et de réduction au silence des plus téméraires, cela donne le tournis et provoque le vertige. Mais aussi et fatalement, l’ambiance du délire, entraîne des égarements et des inconduites. En fait, deux chaînes de télévision pratiquent, par cet amateurisme, voulu ou bien subi, un périlleux funambulisme, qui, au final sera contre productif, car il porte atteinte aux droits de la personne.
Pour palier les effets de cette conjoncture et poser des limites à ces dérèglements, il à été crée le 18 février 2011, par le décret-loi n° 08/2011, la commission des réformes politiques, présidée par le juriste et spécialiste des théories politiques islamiques, Yadh Ben Achour, qui deviendra, le 17 mars sous la pression de certains de ces membres, l’Institution Supérieure pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution de la réforme politique et de la transition démocratique ,I.S.P.O.R. par abréviation. Les membres de cette institution, au nombre de 155, à la fin avril 2011, s’attellent depuis, en mission principale, à produire un code électoral, qui devait être finalité au 31mars 2011.Selon ce qui nous est parvenu, cette nouvelle loi électorale envisage :
- un mode de scrutin de liste à la proportionnelle. Le scrutin se déroulera simultanément dans les 24 gouvernorats (wilayas), et une région émigrée. Elle reconnaît aussi le droit de vote aux binationaux des tunisiens. Cette loi instaure également, la parité homme- femme, ou femme -homme.Comme elle prévoit pareillement un organe indépendant de contrôle des élections, composé de magistrats, d’avocats, d’experts comptables, et de représentants d’organisations non gouvernementales. La loi confie les éventuels litiges et inévitables contestations, à une instance supérieure des contentieux électoraux. Cette loi affirme surtout, l’interdiction faite aux responsables nationaux et régionaux du parti judiciairement dissout, du Rassemblement Constitutionnel Démocratique, depuis sa création, c’est-à-dire depuis 23 ans, par Ben Ali, de se présenter aux élections de l’assemblée constituante. Après avoir provoqué de houleux débats en plénière de l’ I S P O R, l’article 15 de la loi électorale, qui consacre cette interdiction avait été adopté et puis entériné par le président de la république par intérim, Monsieur Foued Mbazaa, le 6 mai 2011.La loi énonce, le remplacement du président par intérim et du gouvernement, par l’assemblée constituante, qui comprendra 268 membres dès la validation de leurs élections. Elle prévoit enfin toutes les étapes de la préparation matérielle et technique de cette grande opération de vote.
Mais en attendant le 24 juillet, où en est la situation, in situ ?
Depuis le jeudi 5 mai 2011, de grandes manifestations ont lieu, à Tunis et ailleurs dans le pays, pour demander un nouveau gouvernement d’union nationale, qui sera le quatrième depuis la révolte des jasmins. Lors de ces manifestations, les forces de police avaient employé pour disperser l’attroupement sur l’avenue Habib Bourguiba et alentour, des bâtons, parait-il nouvellement acquis, des motos pour poursuivre les fuyards, des chiens et de grenades lacrymogènes jusqu’à l’intérieur de la gare de chemin de fer, où il y avaient beaucoup de familles avec des enfants et même de bébés qui attendaient pour voyager. Sur la place elle-même des policiers encagoulés se sont acharnés sur ceux des fuyants tombés à terre. En conséquence à ces évènements, il a été instauré, pour une durée indéterminé, un couvre feu, de 21 heures à 5 heures du matin, à travers le grand Tunis, qui comprend, les gouvernorats de Tunis, Ariana, Menouba et Ben Arrous. Ces manifestations ont, semble-t-il, pour élément déclencheur, les déclarations de Farhat Rajhi, l’éphémère ancien ministre de l’intérieur, du deuxième gouvernement de Mohamed Ghannouchi, qui officia en cette qualité, du 27 janvier au 28 mars 2011, soit deux mois. Mais alors, qui est ce monsieur Rajhi ? C’est un magistrat devenu par la magie de la révolte tunisienne, ministre de l’intérieur. Limogé du gouvernement, il crée le buzz, en lançant des accusations pour le moins très graves contre presque tout ce qui bouge en Tunisie et pas seulement, puisqu’il s’attaque à l’Algérie. Ce monsieur est tantôt classé sympathisant du mouvement islamiste tunisien, En-Nahda, conduit par Rached el Ghannouchi. Tantôt proche du parti d’extrême gauche, dirigé par Monsieur Hama Hammami, le parti communiste ouvrier de Tunisie. Cependant même pour les siens, Rajhi est une personnalité, psychologiquement difficile à saisir. Dans sa célèbre interview, à un jeune journaliste d’Express F M, de 29 ans, et par laquelle est arrivé le scandale, il s’étonnait lui-même d’avoir été nommé ministre de l’intérieur.
Farhat Rajhi révèle que les Sahéliens n’ont jamais accepté d’être écartés du pouvoir, que le général Rachid Ammar, a été promu chef d’état major des trois armées dans le but de fomenter un coup d’Etat militaire en cas de victoire d’Ennahdha, le 24 juillet 2011. Et pour ce qui concerne ses prévisions sur l’avenir en Tunisie, il dit craindre de voir ce qui s’est passé en Algérie, se reproduire dans son pays. Et il a indiqué, sournoisement, que le premier ministre Caïd Essebsi, s’est rendu en Algérie, dernièrement, pour s’instruire sur la stratégie, et la façon, d’échafauder et réussir un coup d’Etat, pour barrer la route aux Islamistes. En réaction à ces affirmations, Monsieur Béji Caïd Essebsi avait le 9 mai 2011 qualifié la déclaration de Rajhi de la sorte :» ses déclarations sont dangereuses et dépourvues de tout fondement. Elles émanent d’une personne irresponsable et fourbe, d’une intelligence moyenne et qui ignore le fonctionnement des rouages de l’Etat». Il l’affabule également d’autres attributs et qualificatifs, qu’il serait malséant ici de rapporter.
De notre point de vue, l’absurdité dans les déclarations de rajhi est manifeste. Ces allégations contre l’Algérie sont outrageusement irrévérencieuses et effrontément insolentes, quand bien même, ce monsieur se serait, tardivement, rétracté, et encore, d’une façon, fort infantile, tel un gamin pris la main le pot de confiture de sa grand-mère, qui se morfond, pour s’expliquer. Il disait avoir été manipulé par un journaliste, quelle déculottée, pour un ministre de souveraineté. Nous autres algériens, il nous suffit en réponse, d’affirmer maintenant, comme hier et ça le sera demain, le lien fraternel solide et inaltérable qui nous rattache au peuple tunisien. Ce grand peuple qui se prépare à entreprendre la construction de sa nouvelle république, mérite notre soutien, car nous n’avons dans notre culture comportementale, ni l’habitude de nous ériger en donneurs de leçons à d’autres peuples, ni l’impudeur de prendre nos amis, et à fortiori nos frères, pour ce qu’ils ne sont pas. Néanmoins conscients de ce qu’est une révolte, ou bien une révolution. Ce qui nous intéresse c’est de voir le peuple tunisien, réussir la sienne. Ce genre d’évènements ne passent jamais sans laisser des traces, dans les imaginaires, et pas seulement. Il conditionnera désormais l’agir de ce peuple. D’autres principes, d’autres valeurs, d’autres symboles, et d’autres modèles accompagneront, cette démarche de fabrication du nouveau projet de société de la Tunisie nouvelle. Mais il serait prétentieux voire dangereux de préjuger, que toutes les étapes, courtes, sinon, longues, qui jalonneront le parcours de cette révolte, jusqu’à stabilisation de la situation, se feront sans aucun dérapage, et cela nous le comprenons, comme nous y compatissons. C’est ainsi, c’est le propre des révoltes et des révolutions. Ce n’est pas une fatalité, et ce grand peuple saura, j’en suis convaincu, s’adapter et triompher de l’adversité fut-elle coriace et obstinée.
29 juin 2011 à 15 03 32 06326
republique bellouizdadien dimocratique et chababiste