MADRID |
Noir et blanc |
Mustapha Mohammedi |
Liberté : 03 – 04 – 2011 |
En plus d’avoir été la capitale flamboyante des rois d’Espagne et d’abriter aujourd’hui le siège du gouvernement, Madrid a donné curieusement son nom à une plage de Béni Saf.
Curieusement, n’est pas le mot exact. C’est sans doute l’œuvre d un refugié républicain chassé par Franco dans les années 1940 et installé dans la région et qui, un jour par nostalgie autant que par l’effet de la sangria a eu l’idée de baptiser cette crique déserte d’un nom qui lui rappellera toujours son pays natal. Ce nom est reste en l’état.
On va à Madrid ou on se baigne à Madrid ne choque personne. Et tout le monde s’y fait. Après tout, les Béni Safiens ont bien changé la plage de oued El Hallouf en plage El Hillel et pourquoi pas celle de Madrid ? C’est peut-être mieux ainsi dans la mesure où ce genre de détails sert aussi bien la fantaisie des sables que le tourisme local. Les marchands de chips et de gazouze et les loueurs de cabanons l’ont si bien intégré dans leur logiciel qu’un hôtel à Rachgoun, tout près d’ici, s’appelle carrément La Pasadena. Avec en prime un gros cactus collé à l’enseigne. Si on change momentanément de continent et de géographie, on reste néanmoins dans la même zone d’histoire. Au lieu des ridicules Chez Kaddour qui n’inspirent que les fats et les niais, des commerçants un peu plus futés ont attribué à leur terrasse de café le nom savoureux de Leïla. Inutile de chercher, vous ne trouverez pas. Leïla en fait est une île, un gros caillou planté au milieu de l’eau à deux kilomètres de la côte. Il n’y a rien de particulier sur ce rocher sinon un phare. L’intérêt de ce site n’est pas dans son côté sauvage et presque inaccessible mais dans sa légende, Leïla serait selon les anciens une sainte, une m’rabta qui aurait choisi le silence et la pauvreté des lieux pour se consacrer uniquement à l’éternel. Leïla, selon une seconde version serait la fille d’un sultan qui aurait régné sur la ville à une époque immémoriale. Il aurait banni sa fille et envoyée à une retraite forcée pour l’avoir déshonoré. Enfin, selon une troisième version, le sultan aurait donné à l’île tout simplement le nom de sa fille .En tout cas, Madrid ou Leïla, il y aura toujours une place au soleil de l’été.
M. M.
19 mai 2011
Contributions