LES ENSEIGNES, PARLONS-EN |
NOIR ET BLANC |
Mustapha Mohammedi |
Liberté : 19 – 04 – 2011 |
Le charme d’une ville ne se décrète pas. Il se juge, en général, sur trois critères : l’état de ses rues, la qualité de son hygiène et le talent de ses enseignes. Sur ce dernier point, malheureusement, nous sommes très loin du peloton de tête.
Et je crois pouvoir dire que nous occupons même la périphérie de la lanterne rouge… Si, à l’étranger, les enseignes sont un outil privilégié de communication directe et l’expression d’une culture collective en milieu urbain, chez nous elles ne reflètent, dans la plupart des cas, que l’indigence d’une imagination stérile et l’absence totale de référents. Voici quelques exemples de ce qui se fait ailleurs. À Paris, un magasin spécialisé dans le matériel orthopédique pour invalides a eu l’idée géniale pour attirer l’attention des clients, d’appeler son commerce “Etat d’urgence”. C’est original et ça surprend en plus de l’image sublimable, qui se fixe dans notre subconscient, du blessé grave qu’on évacue vers les soins intensifs. Le propriétaire d’un établissement du 8e arrondissement, spécialisé dans les grandes tailles et les pointures hors norme, a eu l’idée lumineuse, quant lui, de donner à son enseigne le nom d’une célèbre série télé sur la nature et la baptise “Extrêmes”.
Cela fait toujours tilt et ça fait marcher le business à long terme. Pour les commerçants d’Oran, qui ne s’embarrassent pas d’esthétique, peu importe comment leurs enseignes sont fichues, l’essentiel est que les “mechtarias” crachent au bassinet. Le reste, ils n’en ont rien à cirer. Cela donne évidement des résultats affligeants du type “café chez Kaddour”, ou “Le roi de la calentica”. Alger ne fait pas mieux dans cette veine. L’échoppe à “L’empereur de la loubia”, rue de Chartres est encore fraîche dans les mémoires et a fait rire au moins deux générations.
Par contre, certaines enseignes font rêver comme cette boutique de parfum à Bab El-Oued au nom évocateur et combien romantique de “fragrance”. Il y a de la recherche, il faut bien l’admettre. D’autres font sourire par leur impertinence au moment où on s’y attend le moins. Comme cette enseigne de “café à El- Biar” où le patron a carrément écrit en grosses lettres “Laissez-moi tranquille”. Elle dérange peut-être, mais on la retient sûrement.
19 mai 2011
Contributions, M. MOHAMMEDI