Noir et blanc |
Mustapha Mohammedi |
Liberté : 11 – 12 – 2010 |
Je me suis toujours demandé pourquoi on a collé a Oran un épithète aussi invraisemblable qu’El-Bahia. Cela me rappelle les flacons de Mirror avec lesquels nos mères lustraient les cuivres. Plus elles frottaient plus ils étincelaient. Il y a du flatteur et du meddah dans ce mot de bahia
que rien ne justifie. Le compliment est gratuit et sans doute courtois mais dans les deux cas, il fait pédaler tout le monde dans le yaourt. Et pour être tout à fait franc, ce mot me gêne, d’abord parce qu’il est désuet, exagéré et enfin il ne reflète aucune réalité d’une ville qui a du mal à vivre et à joindre les deux bouts. Il y a d’autres chats à fouetter à Oran que de briller pour le seul plaisir d’en jeter aux autres. Les strass et paillettes, ce n’est pas du tout sa tasse de thé. Et puis en quoi est-elle bahia, je vous le demande : aux tonnes d’ordures et de déchets qui s’amoncellent quotidiennement sur ses trottoirs et que se disputent les chiens, à se voir le matin dans une glace ces clodos qui agressent sans raison le bitume défoncé de ses avenues, à l’absence d’hygiène dans ses lieux publics, à ses professeurs qui sèchent les cours et qui n’ont même pas honte. Faites un tour à Sidi El-Houari à Ras El-Aïn et aux Planteurs et à la fin de votre visite, redites-moi les yeux dans les yeux qu’Oran est bahia. Le jour où les poches de la précarité seront nettoyées, que le vieux bâti sera réhabilité, que les hauteurs urbaines seront assainies, que vous pourrez circuler en famille à Saint-Pierre sans être importuné, que vous pourrez garer votre voiture dans n’ importe quel faubourg sans peur de la voir fracturée, alors ce jour-là, et ce jour-là seulement, vous pourrez affubler Oran de tous les superlatifs qu’il vous plaira.
M. M.
19 mai 2011
Contributions, M. MOHAMMEDI