A la fin, la vie politique se réduit à deux : des gens qui veulent marcher sur la Présidence et la Présidence. Tout le reste c’est du bavardage. Du coup, mis à part le discours périmé de la semaine passée, l’activité principale est comment empêcher les
marches de prendre le départ, d’arriver à Alger et d’arriver jusqu’à la Présidence? Des techniques sont en train d’être développées peu à peu. D’abord, l’intimidation anticipée : les marcheurs ou leurs leaders sont arrêtés avant qu’ils ne prennent leurs chaussures et découragés avant qu’ils ne traversent les seuils de leurs wilayas. C’est le cas de la jeune femme chômeuse arrêtée à Mostaganem pour avoir dénoncé le chômage et qui va être jugée cette semaine. L’exemple permet de stopper net la marche des chômeurs de Mostaganem vers Alger et les autres marches du genre qui veulent démarrer ailleurs. Une technique consiste aussi à déclarer les marcheurs en abandon de poste, donc passibles de ponction sur salaire et de licenciement. Une technique employée contre les gardes communaux. Quand la marche a déjà pris la route, une vieille technique consiste à bloquer les bus et les voitures aux portes d’Alger, selon leur matricule ou selon le nombre de passagers qui sont dedans ou selon les physiques : les blonds sont refusés quand il y a des marches kabyles, les visages grillés avec dents mauvaises sont refoulés quand il y a marche des gardes communaux, les gens à lunettes et air propret sont refoulés quand il y a marche des médecins, les entre 18 et 25 ans sont interdits quand il y a marche des étudiants, etc.
La technique a cependant des limites, car même sans le reste de l’Algérie, Alger compte déjà des millions d’Algériens. Là, face aux marches et tentatives de marches, on a déployé la technique massive des policiers en nombre et chaque deux mètres de rues. Cela coûte beaucoup et le dispositif est trop voyant, peu manœuvrable et rappelle un peu trop la Bataille d’Alger, ce qui est mauvais pour ceux qui demandent des excuses à la France pour colonisation abusive. Une dernière technique a consisté à lever les gens du quartier contre les gens venus d’ailleurs, jouant sur le chauvinisme et la « Houma » contre la nation. Recette impropre à la consommation et qui ne peu pas stopper toutes les marches mais seulement celle du CNCD. Le sens de la trouvaille a été poussé donc, dernièrement, à prétexter des travaux dans des places publiques comme la place des Martyrs. Entourée d’un grillage dissuasif, la place est déclarée politiquement indisponible pour cause de réfection de trottoirs ou de carrelage. La technique peut être étendue à d’autres lieux symboliques, mais elle a cet inconvénient de trop friser le ridicule. Que reste-t-il ? Pas grand-chose sauf des choses qui rappelleront de mauvais souvenirs collectifs : des laissez-passer pour entrer à Alger par exemple, des fouilles identitaires dans les gares pour refouler tous ceux qui n’ont pas un certificat d’hébergement ou une prise en charge à Alger, un grillage sur tout l’Algérois pour revenir à la situation de la zone autonome d’Alger. Cela va-t-il réussir ? Peu probable : toutes ces techniques ont été employées et la France a fini par plier bagages. Le Pouvoir actuel, lui-même né d’une longue marche des frontières vers la capitale, le sait et sait que pour y arriver, il a marché sur des corps.
12 mai 2011
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