En ces temps d’occupation du sol par les protestataires, des communiqués et des contre-manifestations, des haussements de ton comme celui des sourcils, des malentendus et des sous-entendus, en ces temps d’immolations inutiles, des brûlés partis en cendres et des marches arrières, les agents de sécurité assurant le gardiennage du barrage «Sarno» de Sidi Bel Abbès ont enclenché une vitesse supérieure dans le paysage de la contestation nationale pour faire valoir leurs revendications.
De légitimes, il n’y a pas à douter de leurs demandes, mais la façon dont ils se sont pris pour faire entendre leurs voix est ce qu’il y a lieu simplement d’appeler la manière algérienne. Celle du pourrissement, du tout ou rien, de la surenchère et du jusqu’au-boutisme qui ont mené l’Algérie au bord du précipice et qui continuent à lui donner des petites tapes dans le dos.
Les gars du barrage ont tout bonnement menacé de fermer la station de pompage d’eau qui dessert cinq communes environnantes, si leurs revendications ne sont pas satisfaites. C’est à se demander en quoi les robinets avoisinants sont responsables des problèmes socioprofessionnels de ces agents de sécurité et si la menace d’empêcher les gens de boire et de se laver pouvait mener à quelques résultats en leur faveur.
Cette nouveauté dans le modus vivendi du parfait contestataire risque pourtant de faire des émules, puisque même le ministre de l’Intérieur a menacé les gardes communaux de les excommunier en leur déchirant leur CDD, le temps que le terrorisme résiduel n’en soit plus un. Les agents de la Sonelgaz pourraient menacer de couper l’électricité et le gaz si leurs revendications ne sont pas prises en charge. Les médecins pourraient laisser les malades crever, pour de vrai, sur les carreaux des hôpitaux s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Les enseignants déserter, pour de bon, les classes et « sinistrer » davantage l’Ecole. Les pompiers laisseront brûler l’Algérie en regardant leurs fiches de paie, les travailleurs de la Sonatrach refuseront de puiser du pétrole pour l’Algérie d’en haut, les militaires baisseront les armes
Ainsi, au lieu d’aller menacer le peuple d’en bas de représailles, trois choix s’offrent aux contestataires: faire un don de sang, occuper la façade d’El-Mouradia ou acheter un bidon d’essence et s’immoler. Mais pour cette dernière option, le cas algérien en a fait un vulgaire fait divers, le vidant de toute sa portée symbolique. La démarche de « Sarno » a ce quelque chose d’inconcevable et de désespéré, et il est grand temps de chercher des remèdes plus consistants que donner du sirop de toux pour un gangréné.
La liste est longue et l’argent distribué à gauche et à droite, jeté par les fenêtres et en dessous de table, viendra lui aussi à fondre. Et, arrivé ce moment, qu’est-ce qu’on va servir à ce peuple, le temps du dîner venu ?
19 avril 2011
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