LE DEVELOPPEMENT
DURABLE PASSE PAR LE CHANGEMENT DE GOUVERNANCE
Il est
unanimement admis par les analystes sérieux, privilégiant uniquement les
intérêts supérieurs de l’Algérie et non la distribution de la rente des
hydrocarbures, qu’un changement de gouvernement et de ministres n’apporterait
rien de nouveau si l’on maintient le cap de l’actuelle gouvernance politique,
sans apporter une cohérence et une visibilité à l’actuelle politique
socio-économique tenant compte tant des mutations internes que mondiales. Les
Algériens voient toujours les mêmes têtes sans bilans avec des permutations
perpétuelles, comme si l’Algérie était stérile avec ce discours lassant et qui
ne porte plus, on prépare la relève pour la jeunesse. Une personne née en 1962
a, aujourd’hui 49 ans et peut être grand-mère ou grand-père. Encore que l’âge
n’est pas toujours déterminant mais la mentalité culturelle du changement
productif, pouvant trouver un jeune moulé dans le parti unique, plus
conservateur qu’un autre ayant dépassé les 60 ans. L’essentiel est d’éviter
l’inertie. Or, les enquêtes des instituts de psychologie du travail
internationaux montrent clairement que pour les managers économiques (P-DG de
grandes entreprises) ou des managers politiques (ministres), qu’au delà de cinq
années, pour 75% des cas, 25% étant des femmes ou hommes exceptionnels- ils
deviennent amorphes et incapables d’innovation, avec le risque de s’entourer
d’une cour aussi stérile d’où le danger d’une inertie générale alors que le
monde évolue. Cela explique que souvent dans les grands pays démocratiques on
limite les mandats présidentiels à deux. En dynamique, une Nation qui n’avance
pas recule forcément, la maîtrise du temps étant le principal défi des
gouvernants au XXIème siècle car nous sommes à l’ère de la mondialisation,
contrainte stratégique. Il semble bien que la majorité de nos dirigeants ne
tiennent pas compte de ce facteur temps, surtout que les réserves d’hydrocarbures
entendu rentables économiquement (coût/prix, concurrence des pays et des
énergies substituables) iront vers l’épuisement dans 20/25 ans au maximum, donc
posant la problématique de la sécurité nationale.
EFFICACITÉ
GOUVERNEMENTALE ET GOUVERNANCE RÉNOVÉE
Lorsqu’on sait
que l’assainissement des entreprises publiques en Algérie a coûté au Trésor
public plus de 50 milliards de dollars entre 1971/2010 et encore 16 milliards
de dollars annoncés par le ministre de la Promotion d’investissement pour 2011,
sans résultats probants, 70% des entreprises publiques étant revenues à la case
de départ, alors que ces montants auraient pu être consacrés à la création de
nouvelles entreprises dynamiques de quoi créer tout un nouveau tissu productif
et des millions d’emplois, à valeur ajoutée. Bon nombre d’institutions
internationales avec des classements déplorables, entre 2006/2011), qui ne
reflètent pas les potentialités énormes du pays, et d’experts nationaux, ont
tous souligné le poids de la bureaucratie, l’instabilité juridique et le manque
de clarté dans les nouvelles dispositions du gouvernement algérien. C’est dans
cet esprit, sans études d’impacts, que rentrent les décisions hasardeuses de
51% aux Algériens dans tout projet d’investissement et 70% des parts algériennes
dans les sociétés d’import étrangères, alors qu’il fallait privilégier une
balance devises excédentaires, l’apport technologique et managérial pour un
partenariat gagnant/gagnant ce qui a entraîné une chute de plus de 70% des IDE,
hors hydrocarbures, sans compter les litiges au niveau des tribunaux
internationaux, une loi n’étant jamais du point de vue du droit international,
rétroactive sauf si elle améliore la précédente. Comme il convient de se
demander pourquoi ces échecs répétés depuis 2007, aucune grande compagnie
étrangère n’a été intéressée par les avis d’appel d’offres de l’Alnaft
(structure dépendante du ministère de l’Energie) pour les gisements
d’hydrocarbures, le dernier échec étant l’avis d’appel d’offres de mars 2011.
Cela est plus vrai pour l’aval, c’est-à-dire les segments pétrochimiques
produits semi-finis et finis, répondant aux valeurs internationales dont les
parts de marché avec des structures oligopolistiques sont déjà pris au niveau
mondial (amortissement déjà réalisé) où avec les 49/51%, il faut ne s’attendre
à aucun investisseur privé national ou étranger potentiel. Cette situation de
changement perpétuel de cadres juridiques démobilise, tant les cadres du
secteur économique public que les opérateurs privés nationaux et internationaux,
montrant clairement la dominance de la vision administrative et non économique,
liée à l’absence de visibilité et de cohérence dans la démarche de la réforme
globale, renvoyant au blocage systémique intiment lié aux aspects de
gouvernance (Etat de droit notamment) du fait que l’on ne peut isoler la
gouvernance de l’entreprise de la gouvernance globale. Comme en témoignent le
poids de la bureaucratie, la corruption (renvoyant à la refonte de l’Etat), la
léthargie du système financier, l’épineux problème du foncier et enfin
l’inadaptation du système socio-éducatif et la dominance des emplois/salaires
rentes (dévalorisation du savoir), bloquant l’entreprise créatrice de richesses
et montrant l’absence d’une politique salariale fondée sur le travail et l’intelligence,
malgré des discours que contredisent les pratiques sociales.
C’est que
l’Algérie est toujours dans cette interminable transition depuis 1986, ni
économie administrée ni économie de marché, qui doit des mécanismes de
régulation nouveaux avec un rôle stratégique de l’Etat régulateur.
L’IMPACT DE LA
NOUVELLE DONNE INTERNATIONALE SUR LA GOUVERNANCE
Ce n’est pas à la
population algérienne de changer de comportement mais d’abord à nos dirigeants
devant donner l’exemple, qui n’ont pas encore fait leurs mues culturelles
vivant encore à l’ère du Parti unique. Or, nous avons deux options : soit
satisfaire les appétits partisans par une redistribution passive de la rente en
maintenant l’actuel système politique où les partis FLN/RND/MSP représentent moins
du quart (25%) de la population algérienne, en référence aux dernières
élections étant d’ailleurs l’ancien parti du FLN des années 1980 éclaté en
trois composantes, avec la création de nombreux micro-partis instrumentalisés
et de 30 ou 40 ministères sans efficacité réelle, incapables de mobiliser et de
sensibiliser, laissant lors d’émeutes, les citoyens face aux services de
sécurité, qui s’entrechoquent avec des conflits de compétences, ce qui ne peut
que conduire à une déflagration sociale à terme. L’Algérie ne saurait invoquer
sa spécificité face au printemps démocratique qui secoue le monde arabe et
devrait méditer les nouvelles mutations politiques. Pour éviter les réformes du
régime, certains dirigeants arabes se réfugiant dernière l’islamisme radical,
le combat contre le terrorisme et invoquant la main de l’extérieur comme
facteur de déstabilisation. Or ce sont des combats d’arrière-garde, les
Occidentaux les ayant abandonnés malgré leur servitude, dans la politique,
n’existant pas de sentiments mais des intérêts), à l’instar des anciens
dirigeants tunisiens, égyptiens et récemment des actuels dirigeants yéménites,
syriens et libyens. Avec l’avènement d’Internet qui modèle l’opinion et
l’entrée des sociétés civiles, ces discours ne portent plus ce qui préfigure
d’ailleurs une reconfiguration des nouvelles relations internationales prenant
en compte les exigences de dignité et de liberté au niveau des populations du
Sud. Certes le danger extrémiste, source d’intolérance est réel mais les
grandes puissances ont fait comprendre aux dirigeants arabes ( et à certains
dirigeants d’Afrique) qui deviendront à terme de plus en plus minoritaires, se
réfugiant derrière le statu quo par le frein à la démocratisation avec une
répartition inégalitaire des richesses et la corruption d’une certaine caste,
que leurs comportements favorisent le terrorisme et l’islamisme radical et
qu’ils en sont, en grande partie, responsables. Ce n’est pas par philanthropie
mais certes mus par des intérêts économiques et voulant éviter que des milliers
de jeunes qui rêvent de s’enfuir vers les USA, le Canada et l’Europe viennent
alourdir leur taux de chômage. Encore que l’exode de cerveaux massif des pays
arabes et l’Afrique est souvent voulu par certains dirigeants, malgré certains
discours de propagande à usage de consommation intérieure envers la diaspora
alors qu’ils ne font presque rien pour retenir ce qui reste, vidant la
substance de leurs pays. C’est que l’élite ne peut s’assimiler à un tube
digestif mais aspire à conquérir des espaces de liberté par la participation à
la gestion de la Cité. Ou alors, d’où cette seconde solution, la seule fiable,
privilégier plus de libertés et une bonne gouvernance ce qui suppose de
profonds réaménagements politiques devant conduire à une transition
démocratique, condition de l’efficacité gouvernementale.
L’urgence
d’approfondir la réforme globale en panne (du fait de rapports de forces
contradictoires qui se neutralisent, renvoyant au partage de la rente), doit
reposer sur le travail et l’intelligence afin de redonner une lueur d’espoir,
surtout à une jeunesse désabusée, en conciliant l’efficacité économique par
plus de rigueur budgétaire et la justice sociale
REVOIR L’ACTUELLE
POLITIQUE POUR EVITER LES TENSIONS SOCIALES
La réussite est
avant tout, non celle d’une femme ou d’un homme seul (une seule main comme dit
l’adage ne saurait applaudir), mais celle d’une équipe compétente soudée (de
véritables managers, sachant tant gérer qu’à l’écoute des populations), animée
d’une profonde moralité avec une lettre de mission à exécuter dans les délais
et des coûts internationaux les projets mis en œuvre. La situation actuelle
montre clairement (sauf à ceux qui vont dans l’autosatisfaction, déconnectés
des réalités sociales), une très forte démobilisation populaire due à ces
signes extérieurs de richesses souvent non justifiées, la détérioration du
niveau et genre de vie de la majorité de la population, malgré des réserves de
change dépassant les 157 milliards de dollars US fin 2010, dues à des facteurs
exogènes, n’étant pas signe de développement, grâce en grande partie aux
hydrocarbures. Et comme le démontre les moins de 2 % des exportations hors
hydrocarbures, entre 2006/2010, un taux de croissance relativement faible, tiré
essentiellement par les dépenses publiques en récession (plus de 5 % entre
2004/2005, 1,8 % en 2006¸ moins de 3 % en 2007 et inférieur à 4 % entre 2008/
2010 , non proportionnel aux dépenses monétaires, les 80% des segments hors
hydrocarbures étant eux-mêmes tirés par la dépense publique, le programme de
soutien à la relance économique étant passé de 55 milliards de dollars en 2004,
à 100 fin 2005, à 140 fin 2006 et allant vers 200 milliards de dollars fin 2009
et sur les 286 milliards de dollars programmés entre 2010/2014, 130 sont des
restes à réaliser du programme 2004/2009 (mauvaise gestion, corruption, projets
mal ciblés etc.) Comme suite logique de la mauvaise gestion et de la corruption
qui s’est socialisée avec certainement des fuites de capitaux importants qui
accélèrent la détérioration de la valeur du dinar( écart de plus de 45% ente le
cours officiel et le cours sur le marché parallèle coté en avril 2011 à 1,50
dinar pour 1euro) Des tensions sociales que l’on essaie de tempérer à travers
une redistribution désordonnée de la rente avec le risque d’un hyper inflation
à terme, le taux de chômage officiel ne reflétant pas la réalité, assistant à
la dominance des emplois/rentes. La condition de l’amélioration sociale passe
par un retour à la croissance hors hydrocarbures qui reste tributaire d’un
certain nombre de conditions. D’une part la réhabilitation de l’entreprise par
la levée des contraintes d’investissement, une détermination plus grande par
une vision plus cohérente de la réalisation du programme des réformes et
d’autre part, sur le plan socio politique déterminant, cela passe par une
véritable décentralisation, la production d’une culture politique
participative, une communication institutionnelle efficiente et l’élaboration
d’un nouveau consensus social et politique (ce qui ne signifie aucunement
unanimisme, signe de la décadence de toute société), permettant de dégager une
majorité significative dans le corps social autour d’un véritable projet de
société. L’Algérie doit réorienter sa politique socio-économique, l’actuelle
étant ruineuse pour le pays avec la dominance de la dépense publique dans les
infrastructures (70%), souvent mal faites alors qu’elle n’est qu’un moyen du
développement et des rentes aux dépends du travail en privilégiant l’entreprise
et le savoir. Il sagit d’assurer un minimum de cohésion sociale tant spatiale
qu’entre les catégories socio professionnelles (cette injustice qui devient
criarde, un Etat riche mais une population de plus en plus pauvre) et s’adapter
aux enjeux de la mondialisation, l’espace euro méditerranéen et arabo-africain
étant notre espace naturel, surtout que la crise mondiale actuelle préfigure
d’un bouleversement géo stratégique et économique. Cette adaptation est
inséparable d’un Etat de droit et de la démocratie, tenant compte de notre
anthropologie culturelle, du respect du droit de l’Homme et de la promotion de
la condition féminine signe de vitalité de toute société. L’Algérie a toutes
les potentialités pour devenir un pays pivot, conditionné par plus de réformes
maîtrisées, pour une dynamisation de la production et exportations hors
hydrocarbures. C’est que les observateurs neutres tant nationaux
qu’internationaux tendent vers ce constat : le système politique et économique
algérien est bloqué avec une concentration excessive du revenu au profit d’une
minorité rentière. On a l’impression que le pouvoir actuel face aux
bouleversements mondiaux et des tensions qui touchent tous les secteurs en même
temps, est tétanisé et en panne d’imagination.
Or, à vouloir perpétuer
des comportements passés, l’on ne peut aboutir qu’à une vision périmée avec le
risque de névrose collective et d’une déflagration sociale.
17 avril 2011
Contributions