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La refonte de l’enseignement des sciences médicales, une nécessité urgente par Mohammed Brahim F.*

18 mars 2011

Contributions

Un mouvement de protestation des résidents a gagné l’ensemble des C.H.U. d’Algérie, auquel se sont joints les internes

et les externes, dénotant un malaise profond et une crainte de l’avenir de ce corps.

La satisfaction de leurs revendications qui sont nombreuses,  relèvent des pouvoirs publics, même si nous enseignants pouvons comprendre certaines d’entre elles et notamment la revalorisation des primes, de garde qui sont dérisoires (particulièrement pour les résidents des spécialités chirurgicales et la réanimation); celles relatives à la pédagogie nous interpellent, nous en premier. Car il s’agit de notre relève, ceux qui demain assureront dans les CHU les missions de soins de haut niveau, de formation et de recherche, pour ceux qui embrassent de la carrière hospitalo- universitaire, et prendre en charge la santé des citoyens pour les autres.

C’est une fois de plus les étudiants qui semblent être les plus conscients de la non-pertinence du profil de formation médicale par rapport aux bouleversements que connait notre pays, et l’avance scientifique de la médecine. Car la revendication d’une formation adaptée reste la toile de fond de tous leurs mouvements.

Les résidents, internes et externes nous disent aujourd’hui clairement, tout haut, que le système de formation en sciences médicales est obsolète.

Rappelons que le système de formation médicale actuel a été institué par la reforme de l’enseignement supérieur en 1973. Ce cursus de 6 années a été institué comme suit:

- L’accès aux sciences médicale est réservé à tous les bacheliers des filières scientifiques sans tenir compte des moyennes.

- Deux années d’enseignement prés cliniques où les TD et TP prenaient une large place.

- Un cycle clinique de 03 années, pendant lequel les étudiants participent aux stages pratiques dans les services hospitaliers le matin et l’enseignement théorique l’après midi. la grande avancée pédagogique était le système modulaire avec un enseignement intégré.

- Une année de stage interné comprenant un stage de 03 mois, avec un rapport de stage sur des cas cliniques.

A la fin du cursus de 06 années, l’on avait le diplôme de Docteur en médecine. La thèse de doctorat en médecine avait été supprimée.

Ceux souhaitant continuer en post graduation (résidanat), étaient soumis à un contrôle général des connaissances, classant.

Le résidanat était de 6 semestres pour les spécialités médicales et 8 semestres pour les spécialités chirurgicales. La fin du résidanat est sanctionnée par un examen national validant. (le DEMS)

L’accès à la maîtrise était basé sur le classement au DEMS. Une thèse de Doctorat en sciences médicales est instituée, qui se doit d’être selon les textes réglementaires, un travail original de recherche. Cette thèse est un prés- requis pour l’accès au concours de Docentat.

Prés de 40 ans après l’application de cette réforme, qu’en est- il aujourd’hui de l’enseignement des sciences médicales ? Au vu des mouvements de protestations récurrents de la part des étudiants, tous cycles confondus, des appels des enseignants au changement, l’on peut dire que le système est obsolète, et ne répond plus aux normes modernes de la pédagogie. Et chacun des acteurs porte une part de responsabilité de cette situation.

- L’institution de formation (faculté) se limite à administrer les enseignés, un peu les enseignants et très peu l’enseignement.

- Les comités pédagogiques se limitent à gérer les évaluations, un peu moins les enseignements, et non enclins, à de rares exceptions, à diligenter une réflexion sur une reforme d’envergure.

- Les enseignants, empêtrés dans des problèmes socio-professionnels, lors des deux dernières décennies, (lors desquelles une hémorragie de cadres a touché les CHU), ont été peu enclins à l’innovation.

Depuis 1973, des ajustements nécessaires ont été amenés, mais la plupart du temps sans réflexion collective, sans travail pédagogique en direction des enseignés et des enseignants. Ces ajustements ont toujours été techniques, sans jamais poser le problème pédagogique de fond. «Comment passer d’un système d’accumulation des connaissances à un système de formation à l’aptitude de solution d’un problème donné, dans une situation donnée».

Seuls deux séminaires nationaux ont tenté d’amener une réponse, et dont les recommandations sont, pour la plus part, restées lettres mortes.

- En 1985 le séminaire national sur la formation du médecin généraliste avait déjà relevé que « les praticiens sont confrontés à des situations pour lesquelles ils ne sont pas suffisamment préparées».

- En 1989 le séminaire national sur la post graduation (TIPAZA), dont j’ai été l’un des rapporteurs, recommandait la refonte totale du système actuel de résidanat, tout en proposant des étapes intermédiaires.

Quelles sont les mesures introduites, dont les unes sont pertinentes, d’autre prêtent à discussion ?

- L’accès aux études médicales est soumis à la moyenne au Baccalauréat. Ce qui inclut un numerus clausus qui ne dit pas son nom.

C’est l’opacité qui entoure la fixation de cette moyenne qui entraine le mécontentement des bacheliers (dont certains ratent l’accès à la médecine pour un dixième de point) et des parents.

- L’allongement d’un semestre du cursus médical (6 ans et demi), dont le programme théorique varie d’une faculté à une autre et d’un CHU à un autre en fonction des disponibilités des locaux et des services et du nombre d’étudiants.

- Le concours d’accès au résidanat a été régionalisé (par faculté), l’autorisation de concourir autant de fois que souhaité.

- Le passage d’un cursus semestriel à un cursus annuel, en graduation (1986) et post graduation (1983), diminuait ainsi le nombre d’évaluations. Cette décision pour la graduation a entrainé une vague de protestations nationales et il a fallu organiser un séminaire national (ORAN – LES ANDALOUSES) en urgence regroupant enseignants et délégués étudiants pour désamorcer la crise.  Etant l’un des acteurs de ce séminaire, je peux vous assurez qu’après des explications pédagogiques tout est rentré dans l’ordre.

- L’instauration en 1986 du concours d’assistanat.

Ces réajustements n’on amené aucune amélioration de fond, à l’enseignement des sciences médicales. Leur application souvent brutale dans le temps, sans campagne d’explication préalable ont amené souvent leur rejet par les étudiants.

Actuellement:

- La sélection pour l’accès aux études médicales est considérée par les postulants comme arbitraire.

- Dans le cycle clinique, si l’enseignement par module reste de mise, n’est plus intégré, dans la mesure, où sous le poids du nombre des étudiants et de la démobilisation des enseignants, les stages pratiques dans les services hospitaliers sont désertés.

- L’année de stage interné, qui est importante pour l’acquisition des reflexes de base devant le malade, reste insuffisante. L’interne a juste le temps de s’adapter au service, qu’il est obligé de changer de stage.

- Le concours d’accès au résidanat s’il s’est démocratisé de par sa régionalisation et la possibilité d »accés à tout médecin, dans son type d’évaluation reste conçue aussi bien par les enseignants que les candidats comme un examen et non un concours.

Ce qui à mon sens ne reflète par l’aptitude du candidat à une spécialité. D’autant plus que s’agissant d’un concours unique pour toutes les spécialités, oblige souvent les lauréats de choisir une spécialité qu’ils ne souhaitent pas avec toutes les conséquences sur leur avenir.

- Le résidanat rallongé d’une année pose un problème de formation : celle-ci reste inégale d’une faculté à une autre et d’une spécialité à une autre. Les résultats disparates des DEMS entre spécialités le prouvent. D’abord les surcharges dans les services (ce qui pose un problème de définition du nombre de poste), le manque d’outils pédagogiques modernes, la persévérance des enseignants dans le cour magistrale. Enfin toujours cette absence d’un objectif clair de formation, où l’enseigné apprend à réagir devant un problème.

- Enfin si l’ensemble des concours aux grades supérieurs doit être maintenus, le maintien ou non de la thèse de DESM doit être discuté, en moins dans son caractère de prés -requis pour les concours de docentat.

Au vu de tout ce qui précède, l’on propose quelques pistes de réflexions pour une réforme de fond des études médicales.

1)- L’accès aux études médicales doit être revu dans le fond et la forme, pour éviter tout arbitraire, et dans un souci d’équité, à tous les bacheliers scientifiques.

Aussi la 01ère année de médecine serait une année probatoire clôturée par un concours sur la base de nombre de places connues dés l’inscription de l’étudiant. Ainsi le bachelier, en fonction du nombre d’inscrits et du nombre de postes disponibles, saura s’il a les capacités ou non de s’inscrire en médecine, capacité qu’il jaugera lors d’une première évaluation trimestrielle. On peut rétorquer qu’il faut craindre le rush des inscrits en médecine, ce qui reste à prouver. Puis l’état est présent pour dégager les lieux des conférences, voir avec le NTIC organiser des vidéo conférences pour cette année probatoire, entre les facultés principales et les annexes.

2)- Le système modulaire doit être retenu. Cependant il faut résoudre le problème des stages pratiques, car le contact avec le malade est une solution incontournable. Aussi les recommandations du séminaire «Réhabiliter le stage» tenue à la faculté de médecine d’Oran (Juin 1999) a le mérite de proposer des solutions pratiques viables notamment l’organisation de stage indépendamment des modules. Un stage noté en complément de la note théorique.

3)- Redonner aux étudiants en cycle clinique le titre d’externe avec l’ensemble des droits et des devoirs, redéfini par un nouveau statut qui les valorisera.

4)- Le stage interné est capital dans la préparation du futur médecin à solutionner un problème médical. Un an de stage (4 stages de 03 mois) restent insuffisant. C’est pourquoi faut-il allongés la durée de l’internat à deux années (4 stages de 6 mois), ce qui suppose augmenter le cursus actuel d’un semestre. (7 années). Pour les internes il faudra aussi redéfinir leur statut qui doit les revaloriser et les protéger au plan médico-légal

5)- le concours d’accès au résidanat doit être revu dans sa préparation, son programme et son système d’évaluation, le tout conditionné par des objectifs clairs quant au résidanat et par la même la fonction dans le cadre d’une politique de santé, d’un médecin spécialiste. Cela impliquant forcement la définition du nombre de postes ouverts par spécialités.

Lors du séminaire de 1989 (TIPAZA) sur la post graduation, deux pistes de réflexions ont été ouvertes.

- Au lieu d’un concours unique, ne faut-il pas créer 3 concours (médecine, chirurgie, sciences fondamentales) ? Ceci nous a-t-il semblé plus rationnel pour le choix des candidats.

- Parallèlement au résidanat, qui lui, ouvre la voie à la carrière hospitalo- universitaires ne faut-il pas créer des CES pour certaines spécialités qui resteront à définir? Ces CES non rémunérés, permettent aux médecins généralistes installés, ou en poste, de faire une spécialité s’ils souhaitent.

A ce moment les postes de résidanats seront ouverts, en fonction des besoins hospitalo-universitaire et les CES en fonction des besoins du secteur public et privé.

6)- Le résidanat pose à mon avis 3 problèmes, la formation théorique et pratique, l’évaluation, et le statut qui déterminera son avenir.

- La formation théorique, basée encore sur le cours magistral est obsolète. Les résidents accèdent actuellement grâce à l’internet à des sites qui présentent des questions de spécialités continuellement actualisées.

Aussi un cours magistral est dépassé dans ces conditions. Il est nécessaire de les remplacer par des cours interactifs, où la question est débattue, et l’enseignant de part son expérience oriente les résidents. Grace aux vidéoconférences les résidents peuvent bénéficier d’un spécialiste de la question, d’une autre faculté.

- La formation pratique pose un problème de surnombre des services hospitalo universitaires. Aussi l’accès de l’ensemble des résidents aux nouvelles techniques, risque d’être inégale d’un CHU à l’autre, voir d’un service à l’autre. Aussi faut-il identifier des terrains de stages par Wilaya, où pourraient être détachés des rangs magistraux (ce qui donnerait plus de possibilité de postes de concours à ceux- là).

7)- L’évaluation reste le problème le plus épineux, car à mon sens elle reste en inadéquation avec la réalité de la formation. Et tous les membres de jurys ont pu constater qu’elle ne reflète pas objectivement la valeur du candidat.

Il n’ya aucune méthode idéale d’évaluation: et celle-ci est adaptée au contexte. Pour définir une méthode d’évaluation la plus objective possible il faut répondre à 3 questions fondamentales:

- Quel professionnel veut-on former?

- Quels sont les problèmes de santé qu’il doit savoir résoudre?

- Quelles sont les compétences qu’il doit construire pour assurer sa fonction?

Il faut distinguer:

- L’évaluation du savoir acquis (des QCM par exemple) pour les étudiants du cycle clinique.

- L’évaluation du savoir faire (raisonnement clinique) pour le concours de résidanat (cas clinique)

- Le savoir être qui détermine le professionnalisme du candidat pour les résidents en fin de cursus.

Au vu de ce qui précède l’évaluation annuelle est obsolète de même que l’actuel carnet de résident.

Si l’on vent innover introduisons pour les résidents le PORT-FOLIO, ce serait un registre accompagnant le résident pendant son cursus où il notera:

- Les séances d’enseignement théoriques

- Les problématiques des cas étudiés.

- L’analyse et l’argumentation de ses observations cliniques.

- Recherche bibliographique

- une synthèse semestrielle de son activité.

La mise en œuvre de ce port folio, sera dirigée par un maitre de stage et évaluée par le chef de service chaque semestre.

Ce document sera les traces de l’apprentissage du résident.

En fin de cursus un jury peut alors:

- Evaluer les connaissances acquises par de petites questions courtes.

- Evaluer l’aptitude à résoudre un problème par un cas clinique.

- Evaluer l’esprit d’analyse et de synthèse par le résumé d’un article.

Cet examen pourrait être régional par faculté et remplacer le DEMS.

En conclusion, ces propositions sont les fruits d’une réflexion personnelle basée sur une expérience de 30 années d’enseignement en graduation et post graduation, de participation, en tant que membre ou président, à des jurys à tous les niveaux, de directions de thèses et de projets de recherche et de participation à des séminaires pédagogiques.

Cependant une réflexion personnelle ne peut remplacer une réflexion collective, pour peu que chaque acteur de l’enseignement se départisse, du sentiment de détenir la vérité absolue, de la tentation du leadership, «du conservatisme et l’esprit de rente». Réunissons-nous alors avec nos étudiants, nos résidents, pour qu’ensemble nous construisons une médecine qui répond aux défis des temps modernes.

*Médecin chef de service de chirurgie cancérologique. CHU ORAN

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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