Kadhafi et son clan sont surpris de la versatilité de leurs amis occidentaux qui les lâchent aujourd’hui alors qu’ils ont fait preuve de tant de largesses envers eux. Le «zingua, zingua» de Tripoli ne désespère pas, apparemment, de les convaincre qu’il est le rempart qui empêcherait Ben Laden d’envoyer ses bateaux «corsaires» à l’assaut de la paisible Europe. Bien entendu, Kadhafi ne croit pas un traitre mot de ce qu’il avance. Il sait aussi qu’en face, chez les Européens, on n’accorde pas vraiment d’importance à ce qu’il dit. Mais on observe l’usage des moyens militaires à sa disposition.
Les Occidentaux ont clairement entendu les insurgés leur signifier sur tous les tons que leurs troupes sont indésirables en Libye. Ce n’est donc pas chez les insurgés qu’ils trouveront l’alibi ou la légitimation à une intervention directe. Cet alibi, ils semblent plutôt l’attendre de Kadhafi et de son clan. Ce serait l’ultime service que ce régime rendra à ses «amis» occidentaux. Ils comptabilisent déjà ses crimes réels – et sans doute en rajoutent-ils – pour rapprocher le moment où «l’ingérence humanitaire» deviendra nécessaire.
Les déploiements militaires au large de la Libye ne sont pas destinés uniquement à évacuer des réfugiés en fuite d’un pays en plein tumulte. Ce sont des pré-positionnements armés en attente d’une opportunité d’intervention. Et c’est de Kadhafi et de ses milices qu’ils attendent le vrai feu vert. Car, à l’évidence, certains en Occident ne peuvent se contenter de l’idée, soutenue par l’insurrection, de créer une zone d’exclusion aérienne pour empêcher l’usage des avions de combat contre les civils. Ce qu’ils veulent, c’est une occupation directe qui permet de contrôler directement les puits pétroliers et d’orienter la future Libye dans la «bonne direction».
Kadhafi qui croit qu’il est la «gloire et l’histoire et l’avenir» ne fera rien pour épargner aux Libyens cette intrusion extérieure catastrophique. Il n’est pas prêt à se rendre à l’évidence en se démettant et de rendre ainsi le seul service possible à son pays. Il cherche une ingérence qui créera la confusion et installera la division parmi les Libyens. En face, on n’attend que ça. Les marchés sur-réagissent à une réduction de la production pétrolière libyenne – très aisément compensable par les Saoudiens et d’autres – et renforcent l’appel à ingérence. De manière ingénue – n’est-ce pas ? -, des analystes boursiers en traitant de la hausse du prix du pétrole posent des questions d’ordre militaire du type: «Combien de temps les Occidentaux peuvent-ils rester sans intervenir ?». On connaît la réponse: le temps que Kadhafi accumule les éléments d’un alibi.
L’Otan qui est une alliance militaire, historiquement hostile à la libération des peuples, va discuter de la Libye jeudi et vendredi. Officiellement, elle n’entend pas intervenir mais se contente «d’effectuer une planification prudente, pour toute éventualité ». Mais son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, qui en tant que Premier ministre danois s’est livré à un discours de détestation des Arabes digne des adeptes des guerres de civilisations et de religion, a le doigt sur la gâchette, qui le démange. «Si Kadhafi et ses militaires continuent à attaquer la population libyenne de manière systématique, je ne peux imaginer que la communauté internationale et l’ONU restent passives». On ne peut mieux dire… Kadhafi ne rendra pas à son pays le seul service possible de s’en aller. Il semble prêt à rendre un nouveau service, l’ultime, à cet impérialisme qu’il faisait mine de pourfendre mais dont il est devenu l’un des plus serviles laquais.
8 mars 2011
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