Un autre pays du Golfe, le sultanat d’Oman, 2,9 millions d’habitants, frontalier du Yémen, est à son tour le théâtre de manifestations populaires. Plus sociales que politiques. Depuis trois jours, des chômeurs et des salariés réclament plus d’emplois, des hausses de salaires et des poursuites judiciaires contre les ministres corrompus.
A Sohar, 50 000 habitants, première ville industrielle et deuxième port du Sultanat, à 200 km de la capitale Mascate, des blindés sont intervenus hier contre les manifestants qui bloquaient ce port du détroit d’Ormuz. La protestation sociale s’est étendue à Mascate, Sallalah, l’oasis de Buraïmi. Depuis dimanche, six personnes ont été tuées. La promesse de création de 50 000 emplois, une hausse du salaire minimum de 30%, une allocation de 390 dollars par mois aux chômeurs, n’ont pas apaisé la tension. Dans ce pays riche, où le PIB par habitant est de 16 200 dollars, où le taux d’accroissement naturel de la population (3%) est supérieur au taux de croissance économique, le taux de chômage des jeunes et des diplômés approche les 20% et ces protestations sociales peuvent vite se transformer en revendications politiques. Car, à l’instar de certaines pétromonarchies du Golfe, Oman, en dépit de quelques réformes – droit de vote et d’éligibilité aux femmes, création d’un parlement consultatif qui ne dispose pas du droit de légiférer – est une monarchie absolue où le roi Kabous Ben Saïd dispose de tous les pouvoirs et où les partis politiques sont interdits ! Reste qu’en raison de sa position stratégique – Oman contrôle la sécurité du détroit d’Ormuz par où transitent 40% du pétrole exporté dans le monde – à moins de 100 km des côtes iraniennes, la crise qui sévit dans ce pays préoccupe les Etats-Unis qui ont dépêché l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmées, à Mascate mais aussi à Bahreïn qui s’enfonce dans une crise menaçant la dynastie des Al-Khalifa au pouvoir depuis 230 ans. Dans ce petit royaume (1,2 million d’habitants dont plus de 500 000 immigrés), une presqu’île reliée à l’Arabie saoudite par un pont-digue de 25 km , où mouille la Ve flotte américaine, la contestation sociopolitique en est à son seizième jour. Elle est le fait des chiites, 70% de la population, socialement discriminés par rapport aux sunnites (30%), qui tiennent les rênes du pouvoir. Comme ailleurs, l’usage de la force contre une manifestation, à l’origine sociale, a été contre-productif. La protestation populaire, soutenue par l’Union générale des syndicats, s’est vite transformée en contestation politique. Aux cris de «Assez de 230 ans d’injustice», les protestataires, qui occupent le centre de Manama, réclament désormais une monarchie constitutionnelle et plus de libertés, quand ce n’est pas «la chute du régime» qui est demandée. Et en point d’orgue, l’opposition chiite (18 députés sur 40) a suspendu sa participation au parlement, jugeant «insuffisante » l’offre de dialogue national du roi Hamad Ben Issa el-Khalifa, exigeant au préalable la démission du gouvernement. Tout comme Washington, les autres pays du Golfe, surtout l’Arabie saoudite où de plus en plus de voix appellent à des réformes, observent avec inquiétude les crises qui secouent ces deux monarchies et le Yémen. Même l’Iran, qui fait mine de s’en réjouir, n’est pas du tout à l’abri. Mardi à Téhéran, la police anti-émeutes a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser plusieurs centaines de jeunes qui réclamaient la libération de deux dirigeants de l’opposition, en l’occurrence Mirhossein Moussavi et l’imam Mehdi Karoubi, qui n’ont plus été vus en public depuis qu’ils ont appelé à un rassemblement, le 14 février dernier. Ce jour-là, plusieurs milliers de personnes s’étaient rassemblées à Téhéran pour soutenir les révolutions tunisienne et égyptienne.
H. Z.
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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/03/03/article.php?sid=113680&cid=8
4 mars 2011
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