La poétesse et romancière Andrée Chedid est décédée dimanche à l’âge de 90 ans. Elle a puisé dans l’Égypte de sa jeunesse et son amour de Paris l’inspiration de son œuvre lumineuse, nourrie de ferveur mystique et de sensualité, mais aussi d’âpreté quand elle dénonçait les atrocités du monde.
«Je suis née au Caire, en Égypte. J’habite Paris par choix, parce que j’aime cette ville depuis l’enfance. J’écris depuis l’âge de dix-huit ans, pour essayer de dire des choses vivantes qui bouillonnent au fond de chacun», disait cette grande dame éprise de beauté, atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis quelque temps. D’emblée immergée dans trois langues, l’arabe, l’anglais et le français, elle avait depuis 1946 choisi Paris comme terre de cœur, aimant passionnément la palpitation et l’effervescence de la capitale française. Elle avait aussi élu sa langue, pour écrire. Andrée Chedid goûtait particulièrement les bords de Seine et le pont Mirabeau, chanté par Apollinaire, elle qui avait grandi près du Nil. Dans Le Cœur demeure(Stock, 1999), écrit avec son mari le professeur Louis-Antoine Chedid, elle évoquait ces deux fleuves qu’elle chérissait. Autre superbe «pont» que la poétesse s’était de tout temps attachée à établir entre les générations, elle avait écrit les paroles de la chanson de son petit-fils Matthieu alias M, «Je dis aime», morceau-phare qui l’avait lancé en 1999. Matthieu Chedid est aujourd’hui l’un des chanteurs français à succès. Son père, Louis, est aussi chanteur. L’an dernier, en tribu, Louis Chedid et «M», avaient tendrement évoqué la maladie de leur mère et grand-mère dans un album émouvant : «On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime.» Cette amoureuse de la vie avait confié il y a quelques années avoir acheté une concession au cimetière Montparnasse, à Paris, un lieu qui lui avait inspiré un poème d’une grande sérénité. Tout au long de son existence, et dans son œuvre, Andrée Chedid s’est interrogée sur la condition humaine, les liens qui tissent l’individu au monde. Souvent portée par une ferveur mystique, son écriture est imprégnée d’une grande sensualité, aimantée par ses racines orientales. Mais sans nostalgie. «Des amarres sans pesanteur», relevai-telle. «Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, le malheur, la cruauté du monde, mais aussi sur la lumière, sur la beauté, sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l’avenir », soulignait Andrée Chedid. Née en 1920 au Caire de parents chrétiens libanais, divorcés, elle est mise en pension à l’âge de 10 ans. Elle apprend alors l’anglais, le français et exprime sa tendresse en arabe. A 14 ans, elle part en Europe puis revient au Caire pour étudier à l’Université américaine. Son rêve était d’être danseuse mais elle se marie à 22 ans. Le couple a deux enfants. Romancière, dramaturge et surtout poète — «Je reviens toujours à la poésie, comme si c’était une source essentielle», disait-elle —, ses nombreux ouvrages en prose ou en vers lui ont valu de nombreux prix littéraires dont le Goncourt de la nouvelle, le Grand Prix de la Société des gens de lettres, le prix Louise Labé ou encore le Prix Mallarmé. Son art poétique était aussi un art de vivre comme elle l’avait si bien transmis dans Visage Premier (1972). Elle avait encore publié ces dernières années des poèmes réunis sous le titre Territoires du souffle, en 1999, Le Message, en 2000, ou encore L es quatre morts de Jean de Dieu, roman d’amour-symbiose en 2010, tous trois aux éditions Flammarion.
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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/02/08/article.php?sid=112555&cid=16
8 février 2011
LITTERATURE