De Tunis, Hassane Zerrouky
Le gouvernement intérimaire tunisien a annoncé le remplacement de 34 responsables des services de sécurité, dont les chefs de la Sûreté nationale, de la Sûreté générale
et de la sécurité présidentielle. Ce remaniement des services de sécurité, intervenant dans un contexte de poursuite de la contestation populaire, se veut comme un énième signal en direction de l’opinion publique.
Pas un jour ne passe sans que les autorités n’annoncent des mesures visant les intérêts du clan Ben Ali- Trabelsi qui, selon le quotidien Tunis Hebdo citant le Figaro, contrôlait 40% de l’économie tunisienne. Transports aériens, télécoms, importation de véhicules, construction de camions, tourisme, médias.., rien n’échappait au clan Ben Ali-Trabelsi. Dès lors qu’une entreprise créée en association avec un entrepreneur local atteignait une taille suffisamment critique, il y était associé ! De ce fait, ce câble d’un diplomate américain en poste à Tunis assurant que le président Ben Ali était entouré d’une quasi-maffia ne se trompait pas. Car ces clans usaient de tous les moyens pour être présents dans le capital social des entreprises jugées performantes quand ils ne faisaient pas main basse sur les sociétés visées. L’Occident capitaliste le savait. Intérêts obligent, il se taisait et fermait les yeux sur tous les dépassements du régime Ben Ali et, partant, sur ceux commis par tous les régimes autocrates maghrébins et arabes. Aussi tente-t-il aujourd’hui de coller au mouvement populaire. En tête, Barack Obama, qui feint d’anticiper la lame de fond qui secoue l’Égypte et, dans un proche avenir, d’autres pays de la région, parce qu’il craint que la chute des autocrates arabes ne nuise aux intérêts stratégiques américaines. Aussi tente-t-il de récupérer la contestation populaire en faisant croire qu’en décidant de lâcher Ben Ali, il a contribué à sa chute. Question bête : pourquoi n’a-t-il pas anticipé le soulèvement populaire en lâchant Ben Ali ? C’est sans doute la même explication qui sera avancée au cas où Moubarak venait à céder la place. Cette vision des choses relève du mépris des Occidentaux envers les peuples du Sud. N’ont-ils pas qualifié le mouvement populaire tunisien de révolte de la faim, de la misère ? Or, que brandissaient les jeunes de Sidi Bouzid et de Kasserine sur la place de la Casbah à Tunis avant d’en être expulsés ? Des banderoles sur lesquelles on pouvait lire en arabe «C’est une révolution d’hommes libres et non une révolte de la faim» ! Que lisait-on sur d’autres banderoles ? «Liberté, dignité, égalité, justice sociale» ! Qu’est-ce à dire ? Sinon que ces jeunes venus de la Tunisie profonde ne demandaient pas du pain et de l’eau, mais avant tout, la liberté de parole, la justice sociale, le respect des droits humains, la démocratie ! Des slogans modernistes, ceux portés par ces centaines de blogueurs tunisiens qui ont déjoué la censure de Ben Ali, allant jusqu’à créer un système d’information parallèle. Concernant l’Égypte, je ne sais pas sur quoi va déboucher le mouvement populaire. Mais s’agissant de la Tunisie, je suis sûr d’une chose, c’est une révolution d’anonymes venant du plus profond de la société tunisienne. Des anonymes qui veulent changer radicalement la société tunisienne, et qui ont contraint les partis d’opposition en quête de légitimité à prendre en marche le train de ce bouleversement de la société tunisienne. Certes, ce sera dur. L’appareil du RCD, la police politique, le Parlement et le Sénat sont toujours en place. En résumé, Ben Ali est parti mais le système qu’il a créé est toujours là. Pire, des Tunisiens accusent les sbires du RCD d’être derrière les pillages de ces derniers temps. Et que ce même RCD, fort de ses centaines de milliers de militants – on parle de deux millions – cherche à créer le chaos, avant de revenir en force. Mais, la société tunisienne n’est pas dupe. Elle tente d’y faire face. Les islamistes, jusque-là silencieux, des gens «sans scrupules » selon un syndicaliste en raison de leur tendance à investir certains partis pour s’en assurer le contrôle sur le tard, veulent rattraper leur retard afin de ramasser la mise !
H. Z.
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4 février 2011
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