A Alger, pas un bruit, sauf celui, cosmique de la respiration retenue. Pendant près de deux semaines. Car pendant que les Algériens regardaient El Jazeera, le Pouvoir regardait les Algériens qui regardaient l’Egypte. Qui vont-ils manger ? Que vont-ils faire. Que faut-il faire ? La dernière question est la bonne. Selon la rumeur,
le Pouvoir cherche activement un nouveau chef de gouvernement. Hamrouche aurait dit non, sachant, par expérience malheureuse, qui commande dans le pays. Benbitour aurait posé des conditions. Belkhadem n’a même pas été sollicité. Restait le nom de Youcef Yusfi. Mais ce dernier aurait été lui écarté. Qui reste sur la liste ? Presque personne. Un des effets du vide créé par Bouteflika pour domestiquer la vie politique, est que le Pouvoir lui-même souffre du vide qui l’entoure. Il n’a plus personne sous la main, sauf lui-même. Comment alors réformer sans partir ? Ou rester sans perdre ? Ou répondre sans s’accuser ? Situation de paradoxes que le ministre, actuel, de l’Intérieur, a exprimé dans une belle synthèse absurde : selon Dahou Ould Kablia, dans un entretien à un confrère, les « jeunes manquent de liberté » mais pas de liberté politique. Les jeunes tournent en rond dans le pays mais c’est la faute des ambassades qui ne donnent pas suffisamment de visas. Les jeunes chôment mais c’est la faute du chômage. Les jeunes ont le droit de marcher sauf là où ils le veulent. Les jeunes ont besoin d’un rêve et «nous rêvons à leur place». Conclusion extraordinaire: «nous n’avons jamais senti que les Algériens ne veulent pas de nous» mais veulent seulement manger et s’amuser. Peut-on s’amuser dans un pays triste consacré à des vieux déconnectés ?
C’est dire que la situation est sans issue et cela fait peur aux Algériens qui ne veulent pas de morts pour rien. Les réformes, la révolution, le changement et des ministres de moins de 50 ans, sont urgents mais les urgences ne semblent pas être les mêmes pour tous. Là où le peuple veut la levée de l’état d’urgence, une justice indépendante, une télévision libre, le droit de marcher et de parler et de créer et d’entreprendre, le Pouvoir répond par le sucre, puis la semoule, puis la suspension des retraits de permis puis un changement de ministres avec les mêmes ministres qui ne changent pas. Deux pays dont l’un qui n’existe pas et l’autre qui n’existe plus. Peut-on changer à 78 ans ? Non. Ni d’âge, ni de vision. Il y a urgence et cela est possible de changer ce pays sans le détruire. Pour quelque temps. Après, cela sera trop tard.
1 février 2011
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