Sadji a huit ans peut être, mais pas plus. Chaque matin, vers 6 heures, son père le réveille, lui donne un croûton de pain et un petit bol de café au lait qu’il ingurgite en un éclair, et l’emmène avec lui au travail.
IIs ramassent le pain rassis des autres pour gagner leur croûte. Ils font le tour des cités à la recherche du bon filon. Quand les habitants des cités ont « bien gaspillé » le pain, la veille, ils arrivent lui et son père à ramasser cinq ou six sacs de pain en moins de deux heures. Ils revendent après leur butin entre 100 et 120 dinars le sac, ce qui contribue grandement à faire bouillir la marmite et donne la subsistance aux cinq frères et sœurs de Sadji, leur mère et leur grand-mère paternelle qui, avec le père de famille, sont neuf bouches à nourrir. Et bien sûr, après son travail matinal, Sadji arrive souvent en retard à l’école. Et déjà fatigué, voire exténué. Le directeur et ses professeurs savent ce qu’il fait et sont compréhensifs, mais cela se répercute négativement sur ses études. Sadji aimerait tellement être comme les autres petits garçons de son âge, pouvoir jouer et ne rien faire d’autre qu’étudier, car il a soif d’apprendre et, en plus, il est brillant, intelligent. Il aimerait au moins, le soir après l’école, jouer un peu et réviser ses leçons, faire un peu de lecture Que nenni ! Son père l’attend déjà à la sortie des classes pour faire une autre tournée des cités et ramasser encore plus de pain rassis pour améliorer l’ordinaire. Au bout de deux années de ce rythme infernal, Sadji tomba malade et on a dû l’hospitaliser pendant plusieurs semaines. A sa sortie, son père l’attendait avec des sacs vides. « Nous avons assez perdu de temps comme ça, je te sais Saji, il faut nourrir la famille », lui dit-il.
23 janvier 2011
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